lundi 21 juin 2021

Qui sauvera le Campus Mutanga des viols et des tabassages nocturnes ?

Crédit Photo : Ikiriho
La plupart des étudiants sont au courant. Les étudiantes aussi. Quelques autorités rectorales le savent également. Certains enseignants, les veilleurs, quelques membres du personnel de l’Université du Burundi et nous savons que le campus Mutanga se transforme en champ de viols et de tabassages pendant la nuit, surtout à partir de 23 heures. C’est une situation qui vient de durer environ deux ans. Aujourd’hui, certaines sources ont décidé de rompre le silence. (Info Le Mandat)

A 21 heures, toutes les entrées du campus Mutanga sont fermées à l’exception de l’entrée principale qui donne sur le boulevard de l’UPRONA juste en traversant l’avenue de l’UNESCO. A partir de cette heure bien précise, personne n’entre dans le campus en passant par le boulevard Mwezi Gisabo, l’ancien boulevard du 28 novembre. Personne n’entre non plus par la neuvième année du quartier Nyakabiga 3. C’est l’horaire qui s’applique depuis des mois. Certains étudiants connaissent déjà cet horaire. Mais les planificateurs des viols et des passages à tabac en savent trop.

La chasse commence à partir de 23 heures

Certains imbonerakure gardent l’entrée principale à partir de 23 heures. Tous les veilleurs de nuit du campus Mutanga sont écartés. Comme toutes les autres entrées sont fermées, les étudiants et les étudiantes, surtout ceux et celles qui prennent le repas du soir à l’extérieur du campus Mutanga, passent par l’entrée principale pour regagner leurs chambres respectives. Malheureusement, ils doivent d’abord être « corrigés » par leurs pairs, militants du CNDD-FDD, les imbonerakure. Subissent également le même sort certains étudiants et étudiantes de l'Université du Burundi qui se déplacent à l’intérieur du campus après 23 heures. La plupart de ceux qui se déplacent à l’intérieur du campus, surtout en provenance des salles d’études, sont interceptés par d’autres imbonerakure qui prennent position aux alentours de la salle de télévision. La « correction » est très violente et chez les garçons et chez les filles.

Pour les garçons, le passage à tabac et une "amende" 

Nos sources nous expliquent que les garçons sont conduits derrière les Tropicana pour être sérieusement tabassés. Ils sont ensuite embarqués dans un véhicule de Boniface Nzohabonayo pour les conduire ensuite vers les cachots du Bureau Spécial de Recherche « BSR ». Mais chaque étudiant arrêté doit payer 20 mille francs burundais, signalent toujours nos sources. Ceux qui paient cet argent sont libérés le lendemain après avoir passé une nuitée au BSR selon nos sources qui précisent que l'argent va directement chez le prénommé Boniface, l'adjoint du chargé de la sécurité. Ceux qui ne s’acquittent pas immédiatement de cette "amende" doivent s’arranger pour le faire le plus tôt possible pour bénéficier de cette libération. « Le matin, j’ai vu un policier du BSR venir me dire de partir. Il avait, dans sa main, la liste des personnes à libérer. Parmi elles, il y avait d’autres étudiants résidant au campus Mutanga », rapporte un étudiant qui a déjà passé la nuit au BSR. « Après m’avoir passé à tabac, ces étudiants qui font la ronde nocturne au campus Mutanga m’ont demandé de payer 20 mille francs pour ne pas être accusé d’avoir perturbé la sécurité dans le campus », ajoute l’étudiant qui signale qu’il n’a pas hésité une seconde pour payer sa libération. Nos sources expliquent que le chauffeur qui conduit les étudiants dans les cachots est un certain Jean Marie et qu’à bord du véhicule, il y a toujours deux policiers. C'est Boniface qui donne tous les ordres y relatifs selon nos sources.

Pour les filles, le viol 

Une étudiante affirme qu'elle n’est plus retournée vivre dans le campus après avoir été violée par ces imbonerakure. Elle réside actuellement dans l’un des quartiers périphériques du campus Mutanga. « C’était vers 23 heures. Je venais de manger dans l’un des restaurants de Nyakabiga. Lorsque j’ai passé le portail, ces étudiants imbonerakure, qui avaient des gourdins dans les mains, m’ont attrapée et m’ont emmenée derrière les Trop. Ils m’ont violée à tour de rôle. Ils étaient au nombre de 5. Quand ils m’ont relâchée, j’étais très épuisée mais je n’ai pas dormi dans le campus ce jour-là », raconte l’étudiante qui semble péser ses mots. La fille signale aussi que ce jour-là, ces militants du CNDD-FDD l’avaient frappée surtout au niveau du visage. Ces actes de viols datent de longtemps selon nos sources au campus Mutanga. Une autre étudiante affirme avoir été violée au début de l'année 2020 dans le campus Mutanga. 

La plupart des étudiantes attrapées pendant la nuit sont violées par les imbonerakure, signalent nos sources. Selon elles, les victimes sont principalement choisies parmi les nouvelles étudiantes qui commencent la première année. Ces imbonerakure guettent tous les mouvements de la plupart de ces jeunes filles du BAC 1. Ce sont des cibles faciles, indiquent nos sources.

Les veilleurs parmi les victimes

Durant leurs opérations nocturnes, ces imbonerakure combattent quiconque s’interpose. Même leur patron Boniface. Alors qu’ils étaient entrain de passer à tabac un veilleur, Boniface a tenté d’intervenir et ils se sont retournés contre lui et ont commencé à le tabasser également. C’était vers 2 heures, dans la nuit du 4 au 5 juin dernier selon nos sources dans le campus Mutanga.

Un autre veilleur passé à tabac par ces imbonerakure a récemment dépensé plus de 5 millions de francs burundais pour couvrir ses soins médicaux selon d’autres sources bien informées.

D’autres victimes sont des militants de l’opposition

Actuellement, les plus visés sont des militants du Congrès National pour la Liberté, CNL, d’Agathon Rwasa. Pendant la nuit, ces imbonerakure sortent parfois certains militants de l'opposition de leurs chambres pour les passer à tabac et les jeter ensuite dans les cachots du BSR en complicité avec Boniface, expliquent nos sources.

« Vous n’avez pas besoin de sortir de votre chambre pour qu’ils te malmènent. Lorsque tu te fais remarquer dans des activités politiques d’un parti de l’opposition, surtout le CNL, vous devez vous préparer à être malmené un jour. »

A la tête des imbonerakure du campus 

Le chef de file de ces imbonerakure est un certain Désiré Nahimana, étudiant en Baccalauréat 2, à l’Institut Supérieur de Commerce « ISCO ». Certains étudiants tremblent quand son nom est évoqué, indique l’une de nos sources. L’autre responsable des imbonerakure qui dirige ces viols et passages à tabac nocturnes c’est un certain Félicien surnommé D.J. C’est, en fait, un Disc Jockey qui anime les soirées principalement au Snack-Bar Ingo Club et Jackmatt. Comme il rentre toujours dans les heures avancées de la nuit, Félicien escalade souvent la clôture, côté ouest du campus, pour rentrer à l’intérieur, signale l’une de nos sources. Certains étudiants ne comprennent pas pourquoi l’imbonerakure Félicien réside toujours à l'intérieur du campus Mutanga alors qu’il a déjà terminé ses études dans la Faculté des Sciences Economiques et de Gestion.

Même s'il parle de cas isolés, OPC1 Gaston Uwimana, chef du service de sécurité et d'encadrement civique à l'université du Burundi sait que le campus Mutanga se transforme en enfer pendant la nuit selon une interview accordée au groupe de presse Iwacu il y a presqu'une année. Son adjoint Boniface participe dans ces opérations de terreur de la nuit au sein du campus Mutanga selon nos sources. 

Nous n'avons pas encore réussi à joindre le recteur de l'université du Burundi Pr.Dr.Ir Sanctus Niragira. Mais ses prédécesseurs Gaspard Banyankimbona et François Havyarimana n'ont pas pu arrêter ces viols et passages à tabac nocturnes signalés au campus Mutanga.

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