samedi 18 septembre 2021

Après la triche, le fils de l’ancien ministre de l’éducation avance de classe

 

Comme tous les autres élèves ayant obtenu la note minimale exigée au concours national de la neuvième année, le fils de Professeur Gaspard Banyankimbona entame la première année du post-fondamental au Lycée SOS. La tricherie de Don Davy n’a finalement pas été prise en compte même si l’événement suscite encore la confusion au sein du parti au pouvoir quelques mois plus tard.

C’est ce lundi, 13 septembre 2021, que l’année-scolaire 2021-2022 a démarré sur tout le territoire du Burundi. Mais il a fallu, selon nos sources, l’intervention de hauts cadres du parti CNDD-FDD en mairie de Bujumbura pour casser d’une manière définitive l’attitude des autorités et de certains enseignants du Lycée SOS qui voulaient que le règlement s’applique de la même façon pour tout le monde. Malgré le communiqué controversé du ministère de l’éducation nationale et de la recherche scientifique réagissant à notre précédent article sur le dossier, la gestion des actes de tricherie du 26 mai dernier au concours national a mis une tache de plus sur le système de gouvernance dans le secteur éducatif burundais, déplorent nos sources.

Don Davy Ingabire a eu plus de 70%

A la fin de l’année-scolaire 2020-2021, le fils de l’ancien ministre de l’éducation nationale et de la recherche scientifique, Don Davy Ingabire totalise 73,47%. Il passe à la classe suivante, la première année du cycle post-fondamental, au même établissement, le Lycée SOS de Bujumbura. Mais ses pairs n’ont pas eu la même faveur.

Le ministère de l’éducation les a chargés

Dans un communiqué du 28 mai 2021 qu’il a même lu au journal de la soirée sur la Radio-Télévision Nationale du Burundi, le porte-parole du ministère de l’éducation nationale et de la recherche scientifique a confirmé que deux élèves, qui passaient le concours national de la fin du cycle fondamental au Lycée SOS, ont été sanctionnés. Conformément au règlement régissant la passation du concours national de la 9ème année selon Liboire Bigirimana. Il a expliqué que ces deux élèves étaient assis côte à côte et qu’ils se murmuraient des réponses.

Pour Don Davy Ingabire, le ministère de l’éducation nationale et de la recherche scientifique a indiqué qu’il ne trichait pas "contrairement aux informations qui circulaient sur les réseaux sociaux". ‘’Le surveillant a voulu savoir pourquoi il y avait une rature sur sa feuille d’examen. C’est pour cela qu’il l’a fait sortir de la classe pour ne pas déranger les autres, et puis le surveillant a réellement constaté que l’enfant n’était pas entrain de tricher. Il l’a ensuite fait revenir en classe. L’enfant a poursuivi la passation du concours, et il a terminé en même temps que les autres’’. Selon toujours le même ministère, le fils de Gaspard Banyankimbona n’a pas été attrapé avec une grille de correction. Et il n’y a pas eu de policiers de l’API qui sont venus intervenir ce jour-là selon le communiqué.

Le directeur du Lycée SOS : ‘’Demandez aux surveillants !’’

Nos sources affirment que le directeur du lycée SOS soutenait quelques enseignants qui voulaient que le fils de l’ex-ministre de l’éducation nationale et de la recherche scientifique soit sanctionné pour la tricherie. C’était avant que certains hauts cadres du parti au pouvoir en mairie de Bujumbura ne s’interposent selon nos sources. Le directeur du lycée SOS nie. ‘’Ne tenez pas compte de ce que les gens disent de moi. Il faut plutôt rapporter ce que je vous dis de ma propre bouche’’. Le directeur du lycée SOS, Télésphore Barikore, explique qu’il n’est au courant de rien à propos de ce qui se serait passé le 26 mai dernier au centre de passation du lycée SOS. ‘’Il faut demander cela aux surveillants. C’est eux qui peuvent vous fournir une bonne information’’, insiste Télésphore Barikore qui signale qu’il ne pouvait pas participer dans la surveillance du concours national au lycée SOS ce jour-là parce qu’il a des enfants qui étaient parmi les candidats au même centre de passation. Sur la question de savoir si ces surveillants ne lui ont transmis aucun rapport après la passation du concours à cet établissement qu’il dirige, Télésphore Barikore répond que les surveillants envoyaient leurs rapports à ceux qui les avaient mandatés, le ministère de tutelle.   

Ce vendredi, nous avons parlé au porte-parole du ministère de l’éducation nationale et de la recherche scientifique Liboire Bigirimana. Il n’a pas été bavard.

Selon Liboire, nous visons un ancien ministre qui a eu une "promotion"

Selon le porte-parole du ministère de l’éducation nationale et de la recherche scientifique, nous visons un ancien ministre qui a eu une ‘’promotion’’. Après nous avoir dit que la tricherie évoquée n’en était pas une, Liboire Bigirimana nous a averti qu’il n’allait pas nous donner d’autres informations. ‘’Vous visiez un ex-ministre qui venait d’avoir quelque chose, vous n’étiez pas entrain de faire des choses professionnelles’’, a-t-il lancé.

Depuis le 13 avril dernier, le père de l'enfant favorisé, professeur Gaspard Banyankimbona, est le patron de l'une des institutions de la communauté est-africaine, l'Inter-University Council for East Africa.

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vendredi 10 septembre 2021

Burundi-RDC: Opérations militaires conjointes compliquées?

 


Le ministre burundais des affaires étrangères et de la coopération au développement a rappelé, dans une interview à la RFI, l'objectif visé lors des rencontres entre les hautes autorités de son pays et celles de la République Démocratique du Congo: "mettre hors d'état de nuire toutes les forces négatives qui pullulent dans la partie Est de la RDC, surtout le Sud-Kivu qui est frontalier avec le Burundi". 

Le déploiement d'une délégation de haut niveau en République Démocratique du Congo à partir du 30 août 2021 succédait à la visite, pour le même objectif, du chef de l'Etat burundais Evariste Ndayishimiye à son homologue congolais Félix Tschisekedi en juillet dernier.
  
Au cours de cette interview accordée à la RFI et publiée le 3 septembre, le lendemain de la clôture de la quatrième session de la grande commission burundo-congolaise, Albert Shingiro a qualifié ces rebelles visés de groupes résiduels sans agenda politique. "S'il faut organiser des patrouilles parallèles ou des opérations conjointes pour mettre hors d'état de nuire ces forces négatives dont les effets affectent négativement la vie de nos populations, nous le ferons de commun accord avec la partie de la RDC". 

Nous avons parlé au politologue Issa Ndimurwanko pour avoir plus d'éclaircissements sur les probabilités de réussite de ces conventions sécuritaires entre les deux pays. Issa Ndimurwanko a également été au maquis dans les rangs des PALIPEHUTU-FNL.

Selon vous, est-ce que les 2 chefs d'Etat ont la chance de réussir ce pari? 

Tout d’abord, la sécurité est l’absence de menace de la paix et de la sécurité interne et externe de l'État. Ce dernier est défini comme étant une seule entité souveraine qui dispose le monopole de la violence légitime, à travers ses fonctions régaliennes de sécurité notamment, l’armée et la police.

Revenons sur la question posée concernant l'entente conclue entre les chefs d’Etat burundais et congolais d’éradiquer des groupes rebelles burundais basés en République Démocratique du Congo. Ces éléments négatifs déstabilisent la paix et la sécurité de ces deux pays. Leur présence à l’Est de la RDC est le fruit de la politique d’exclusion pratiquée par le parti CNDD-FDD, au pouvoir. Depuis son ascension au pouvoir, il n’a pas voulu associer l’opposition à la gestion du pays. Il a plutôt emprunté la voie d'exclusion suivie par la disparition forcée de ses opposants, etc...

Pour les éradiquer, il faut tout d’abord une politique saine de gouvernance et de développement pour  tous : cela est la gage de la paix et de la sécurité. L’effritement de la sécurité du pays est dû au comportement de conquistador du CNDD-FDD et sa création de la milice Imbonerakure qui tue et terrorise tout opposant aux politiques de ce parti. La voie que les deux chefs d’Etat préconisent pour venir à bout à ces mouvements armés n’apportera pas de fruits escomptés.

Pour réussir ce pari, le pouvoir de Gitega a le devoir d’instaurer la politique d’égalité entre les citoyens et la sacralité de la propriété privée. Il faut tout d'abord créer un climat politique apaisé et ensuite envisager la politique de rapatriement volontaire des réfugiés. Les rangs de ces groupes armés se rétréciront comme la peau de chagrin. Au cas contraire, s’engager dans les opérations militaires conjointes ne garantit pas la paix et la sécurité du Burundi ni celle de la RDC. Par contre, la souveraineté du Congo voisin  risque d'être violée par une armée étrangère.

Rappelez-le que ces groupes rebelles tissent des liens d’amitié forts avec la population locale. La défaillance de l’Etat congolais est une pièce maîtresse au développement de groupes rebelles burundais sur son territoire. Toute opération ou intervention militaire étrangère peut être  vue par la population comme une agression violant leurs droits fondamentaux. Pour cela, cette intervention coalisée a moins de chances de réussir. Il serait sage pour les deux gouvernements d'assainir leurs politiques internes et vaquer au développement communautaire. Ce sont, en réalité, les premières opérations à envisager pour sécuriser leurs territoires et leurs frontières poreuses.

En conclusion le concept de sécurité est discutable dans les études des relations internationales car c’est un concept a plusieurs sens. La sécurité d’un État peut dépendre de la sécurité de ses voisins. C’est la raison pour laquelle des États mettent souvent ensemble leurs moyens pour garantir leurs sécurités. Pour sécuriser l’Est de la RDC, on a besoin d’efforts de trois États : le Burundi, le Rwanda et la RDC. L’absence d’un seul Etat à la quête de la sécurité d'un de ces pays pourrait vouloir dire la menace de celui qui est absent. Le projet sécuritaire initié par Félix Tschisekedi et Évariste Ndayishimiye ne réussira pas car il y a plusieurs facteurs endogènes qui doivent être analysés avant de se lancer dans les opérations militaires coûteuses en termes de coût humain et financier.

Vous avez évoqué le manque d'organisation interne pour les deux Etats: la RDC et le Burundi. Mais, en se référant sur l'histoire récente, il semblerait que les groupes rebelles burundais préfèrent s'installer en RDC. C'est ce qu'on a également constaté avec le CNDD-FDD, aujourd'hui au pouvoir, lorsqu'il combattait les régimes du Burundi. Etant ancien combattant des Forces Nationales de Libération (FNL), pouvez-vous nous donner d'autres raisons qui incitent les rebelles burundais à s'installer au Sud-Kivu?

En effet, le manque d'organisation interne des Etats est le premier facteur qui favorise l'émergence des mouvements de contestation. Ils s'organisent sur la cendre de l'absence de l'Etat. Cette absence est une opportunité en or pour des mouvements, qui en réalité, peuvent aisément s'installer, exploiter et étendre leur influence sur la population locale. Pour le cas de la RDC, c'est plus complexe, car souvent des éléments du gouvernement collaborent avec l'ennemi sans parler de la population qui intègre les rangs de celui-ci bien qu'il ne soit pas congolais.

D’autres facteurs qui charment des rebelles burundais à s’inoculer au Congo sont des éléments naturels. Le Sud-Kivu est riche en forêts, en montagnes et en richesses naturelles. Tous ces éléments séduisent des forces négatives burundaises au point où les conflits inter-burundais abrasent de facto ce grand pays. De plus, l'Est de la RDC est connu sur son abondance en source minérale et est un vaste territoire ayant des forêts et un climat tropical très doux. Les maquisards burundais utilisaient, à l’époque, l’Est de la RDC comme zone de transit des blessés.

Déloger un rebelle installé dans une forêt dont il contrôle des entrants et sortants n’est pas une mince affaire. Sachant que les antennes placées au sommet des montagnes leur donnent un avantage considérable sur leur ennemi. La richesse congolaise est un élément essentiel qui peut être analysée pour comprendre pourquoi les rebelles burundais préfèrent utiliser l'Est du Congo pour mener leurs attaques au Burundi? Plusieurs études qui se sont penchées sur l’instabilité de l’Est de la RDC ces vingt dernières années démontrent que les rebelles exploitent illégalement les ressources naturelles du pays. C’est dans cette optique que les forces négatives burundaises profitent de la faiblesse de l’Etat de Kinshasa pour s'installer à l'Est du Congo.

Si j'essaie de comprendre, les garanties financières comptent énormément pour ces groupes rebelles.

Oui, la réussite d'une organisation repose généralement sur sa capacité financière. Les causes que les mouvements rebelles défendent demandent une grande patience et résistance aux intempéries du temps. Le temps est le pire ennemi de l’homme et les rebelles sont conscients qu’ils ne peuvent être maîtres du temps sans la capacité financière. Pour satisfaire à ce besoin, ils ont choisi d'occuper le Congo [RDC]. Ce pays est devenu une vache à lait pour plusieurs acteurs militaires.

Evariste Ndayishimiye sait que la paix du Burundi est intimement liée avec la stabilité de son voisin. En d’autres  termes, l'opération conjointe est l'une des stratégies pour couper la source de financement de ces mouvements. De 1994 jusqu’à nos jours, l’Est du Congo [RDC] est devenu un terrain de combat interposant plusieurs armés. A cause de l’instabilité qui ne cessait de s’intensifier, plusieurs opérations conjointes ont été initiées pour déloger des mouvements opérant à partir du territoire congolais.  

La paix et la sécurité du Burundi dépendent de la stabilité du Congo [RDC]. L’effectivité du pouvoir central congolais sur l’ensemble de son territoire serait un élément essentiel à la stabilité ou à l’amélioration de celle de ses voisins, en particulier le Burundi. Ce dernier pourrait se réjouir de cet acquis mais il a une responsabilité de pratiquer une politique d’égalité entre ses citoyens. Même si l’Etat de Kinshasa parvenait à imposer son autorité, ce n’est pas automatique que le pouvoir de Gitega recouvre sa sécurité.

Lorsqu’un conflit armé éclate entre le gouvernement et ses opposants, les insurgés cherchent à tout prix  mettre les mains sur les zones riches en ressources naturelles. Le gouvernement doit tout faire pour garder jalousement la souveraineté de l'Etat. Sachant que l’Etat est le seul à disposer la monopole de la violence légitime. Si un élément interne conteste cette autorité suprême et que l'influence de l'Etat diminue, en ce moment, le pays entre dans une crise politique et les négociations s'imposent.

Revenons à nos  moutons. L'histoire récente nous montre comment les rebelles burundais se sont installés à l'Est du Congo [RDC] pour bien mener leurs incursions sur le Burundi. Le CNDD-FDD, actuellement au pouvoir, est l'un des mouvements burundais ayant utilisé l'Est du Congo [RDC] comme base arrière. Il a dû profiter de l'absence de l'Etat congolais et bénéficier de l'hospitalité de la population qui a, à un certain niveau, épousé sa cause. Ceux qui ont vécu dans les camps de réfugiés en Tanzanie peuvent se souvenir de comment les mobilisés étaient envoyés en RDC. Pourtant le champ d'honneur était au Burundi. Alors pourquoi devraient-ils passer par l'Est de la RDC?

La période de 1994 à 2005 est riche en histoire des mouvements armés burundais. Le début a été marqué par une réussite inestimable. Ce temps glorieux a été suivi par des échecs organisationnels marquant ainsi sa fin. Lorsque ces erreurs ont atteint leur paroxysme, on a changé de stratégies en concentrant les forces à l’Est du Congo [RDC] et dans la région Ouest du Burundi. C’était Bujumbura et les provinces environnantes qui étaient dans les lignes de mire car c’est une région riche en forêts naturelles. La capitale a connu une période d’insécurité sans précédent. Elle a encaissé tous les coups et les autorités ne pouvaient plus nier leur existence.

Ils ont asphyxié la capitale par des actes de sabotage. Des voies routières reliant la capitale Bujumbura étaient régulièrement prises en assaut. Les médias locaux comme RPA « ijwi ry’abanyagihugu » faisaient des reportages informant l’opinion nationale et internationale sur leur revendication. Pour les autorités d’alors, il était difficile de prendre la communauté internationale en otage. Par conséquent, une frange d’opinion proche du pouvoir était tannée du chaos qui régnait et demandait au gouvernement de tout faire pour mettre fin à cette situation insupportable.

Les rebelles voulaient que la communauté internationale considère leur voix dont les autorités de Bujumbura niaient sans cesse. La réalité en est que le pouvoir les connotait de "fauteurs de troubles". En effet, leurs actions ont suscité la curiosité des médias internationaux. De même, les partenaires politiques et économiques du pays cessaient de croire à la version officielle. En ce moment, on a constaté que les négociations seraient une condition sine qua non pour le retour de la paix et la sécurité au pays. Par cette logique, le CNDD-FDD est parvenu à arracher des autorités de Bujumbura la notoriété de la parole. La communauté internationale a accordé une voix aux rebelles et ils ont été considérés comme acteurs politiques à associer à la quête de la paix durable pour le Burundi.

La concentration de force sur un seul front de l’Ouest du pays entre dans les stratégies militaires. En 1998, les difficultés organisationnelles au sein de mouvements sont devenues de plus en plus inquiétantes dues aux dissensions et désertions. Pour faire face à ces défis, il fallait réorganiser les troupes et abandonner certains fronts afin de concentrer leurs forces sur un seul jugé essentiel. En ce moment précis de l’histoire de ces mouvements, les négociations battaient leur plein, donc aucun ne voulait perdre le contrôle du terrain. La guerre médiatique était disproportionnée à celle qu’on observait sur le champ de bataille.

Ceux qui ont suivi l'évolution de la guerre jusqu'à la fin des années 90 début 2000 peuvent constater que la nouvelle route de guerre était devenue le lac Tanganyika. Les combattants étaient transités par les eaux du lac malgré les risques élevés qu'ils encouraient. Les fronts du Nord et du Centre du pays avaient cessé d'exister à cause des difficultés de faire passer des combattants dans des zones contrôlées par les troupes gouvernementaux. De temps en temps avec l'appui de la population et de certains militaires pro-gouvernementaux, ils empruntaient le parc de la Ruvubu pour traverser la province de Karuzi et enfin joindre Gitega. Dans le Centre du pays, ils étaient accueillis par d'autres éléments bien équipés venus de la Kibira qui les conduisaient jusqu'à la destination finale.

Il me semble que vous vous focalisez plus sur le CNDD-FDD. Pouvez-vous nous parler des déplacements des ex-FNL de la RDC?

Le FNL ne faisait pas d’exception. Les mêmes mobiles qui ont poussé le CNDD-FDD à opérer à partir du Congo [RDC] sont aussi les mêmes pour les ex-FNL. La crise politique de 1993 a forcé une bonne partie de la population à quitter le pays pour se retrouver en RDC, en Tanzanie et ailleurs. Les deux pays sont tous voisins du Burundi et leurs géographies pourraient être exploitées par les mouvements rebelles burundais. Ils ont des forêts dont les rebelles peuvent se servir pour s'entraîner et s'abriter. Malheureusement, l’Etat tanzanien contrôle tout son territoire, aucune partie ne lui échappe. Sans son accord, il est pratiquement impossible d'utiliser son territoire. En respectant sa politique de bon voisinage, elle n’a permis à aucun mouvement rebelle burundais d’utiliser son territoire. Même si ces mouvements pouvaient tromper la vigilance des forces de l’ordre tanzanienne, ils ne l’ont pas fait pour éviter des conséquences politiques et militaires.  À ce que je sache toute tentative de vouloir utiliser les forêts tanzaniens occasionnaient des affrontements farouches. Aucun mouvement ne pourrait occuper le territoire tanzanien  ne fût-ce qu’une semaine parce que les services de renseignement, les forces de l’ordre et la population travaillent en parfaite harmonie. La présence de l'Etat tanzanien sur tout son territoire lui confère un statut d’un État fort et stable politiquement.

Les mouvements de va-et-vient des FNL entre le Burundi et le Congo [RDC] entrait dans la logique de celle des CNDD-FDD. Il utilisait le territoire congolais pour entraîner ses troupes ou s’y repliait. Mais également, il profitait de la faiblesse du gouvernement congolais pour exploiter ses richesses pour soutenir sa cause et enrichir les chefs. La province de Cibitoke étant frontalière avec le Congo [RDC] et ayant des liens familiaux avec l’Est facilitait la traversée des hommes appartenant aux FNL. Certains jeunes de Cibitoke pouvaient rejoindre les rangs sans aucune inquiétude car ils partaient comme marchands et les forces de l’ordre des deux pays étaient dans l’impossibilité de les démasquer.

Comme dit précédemment, les mouvements ont abandonné certains fronts, ce qui était le cas pour les FNL aussi. Le front du Nord avec la base arrière de Rumandari a été abandonné au profit de celui de l'Ouest du pays. Plusieurs tentatives ont connu de résistance de l'armée nationale que ce soit les attaques menées à partir de la province de Muyinga, de Cankuzo et de Ruyigi, toutes essuyaient des échecs cuisants. La perte du front du Nord pour les FNL est vue comme un échec total. Celle-ci les a affaiblis politiquement et militairement même si certains chefs ne pourront pas partager cet avis. Plusieurs membres du PALIPEHUTU et les combattants du FNL se sont enrôlés dans le mouvement CNDD-FDD à l'époque.

Tout compte fait, les deux mouvements majeurs armés burundais : CNDD-FDD et FNL ont opéré à partir du territoire congolais. Ce qui attirait ces mouvements à s’installer à l’Est de la RDC au lieu de la Tanzanie sont l'absence des fonctions régaliennes de sécurité capables d’assurer la paix et la sécurité du pays. L’absence d’une armée et d'une police digne de nom en République Démocratique du Congo a favorisé l'exploitation de la richesse du pays et l'occupation des forêts et des montagnes à leur guise. 

Voilà les raisons qui me semblent réelles et valables qui ont, en effet, été une opportunité en or pour l'utilisation du territoire congolais sans aucune crainte.

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