Photo: Site Web CNIDH |
Le président de
la CNIDH semble fâché après la sortie de la correspondance dénonciatrice des violations
des droits des détenus et d’exactions qui seraient commises dans la prison
centrale de Mpimba. L’auteur de la correspondance, Fabien Banciryanino, met en
évidence des faits qui pourraient interférer dans la recherche du statut A de
la Commission Nationale Indépendante des Droits de l’Homme.
L’indépendance de cette Commission Burundaise des Droits de l’Homme est contestée depuis le 26 janvier 2018. A cette date, les Nations Unies ont pris la décision de rétrograder cette Commission au statut B après une mise en garde une année plus tôt. L’ONU considère que la CNIDH ne respecte que partiellement les Principes de Paris. Elle est accusée de minimiser voire de fermer les yeux sur les crimes commis par le régime CNDD-FDD depuis 2015.
Selon
des sources bien informées, aujourd’hui, la CNIDH cherche des soutiens presque
partout notamment au sein des corps diplomatiques accrédités à Bujumbura, de
certaines organisations nationales et internationales pour appuyer sa demande
auprès du Sous-Comité d’accréditation de l’Alliance Globale des Institutions
Nationales des Droits de l’Homme. Retrouver le Statut A est synonyme de
regagner la confiance des bailleurs de fonds.
Les bailleurs de fonds, la Commission en a apparemment besoin
Dans son rapport de février 2020, la CNIDH, qui est essentiellement financée par le budget de l'Etat burundais, indique qu’elle n’a pas pu payer ses cotisations au sein des réseaux internationaux depuis
2015; les arriérés s’élevant à 25025 dollars américains.
‘’Cette année, à cause
de sa rétrogradation au statut B, la CNIDH a participé aux réunions internationales
à titre d’observateur sans pouvoir de prendre la parole. Ainsi, elle n’a pu ni
présenter la situation des droits de l’Homme au Burundi, ni répondre aux
différentes allégations de violations des droits de l’homme évoquées contre le
Burundi. La CNIDH a donc besoin d’un appui soutenu de la part non seulement de
l’Etat, mais aussi de ses partenaires’’, poursuit le rapport.
Quelques mois
plus tard, en décembre 2020, au cours de l'émission Mosaïque de la Radio Isanganiro, Sixte Vigny Nimuraba soulignait que la
coopération entre la CNIDH et les partenaires internationaux reprenait peu à
peu. ‘’Maintenant, la coopération suisse est là de notre côté, l’ambassade
d’Egypte est venue de notre côté. Et nous sommes en discussion avec le PNUD et
le HCR’’, ajoutait le président de la CNIDH qui espérait de bons résultats des différents contacts au cours de l’année 2021.
Le problème c’est que Fabien Banciryanino aurait
fait le travail de la CNIDH
Alors que
certains lobbyings pour tenter de retrouver le Statut A sont toujours en cours
selon nos sources, l'ancien député, actuellement détenu à Mpimba, dénonce la violation de la loi régissant révision
du régime pénitentiaire à travers une correspondance adressée au directeur de
cette prison centrale de Bujumbura. Dans ses rapports, la CNIDH ne s’intéresse
presque jamais aux violations des droits de l'homme et aux exactions évoquées par Fabien Banciryanino dans cette
correspondance dont la copie lui est réservée.
Selon l’ancien
député de Bubanza, c’est l’article 43 de la même loi qui lui accorde la parole.
"Article 43: La personne détenue est autorisée à adresser à l’administration pénitentiaire, à l’autorité judiciaire ou à toute autre autorité compétente, une requête ou plainte au sujet de la façon dont elle est traitée.
Toutefois, la requête ou la plainte ne doit en aucune manière avoir un caractère offensant ou subversif. Le refus de la requête ou de la plainte doit être motivé. Le recours à l’autorité supérieure est autorisé."
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Dans sa
correspondance, Fabien Banciryanino dénonce des punitions illégales, dont des
passages à tabac, infligées aux détenus par leurs pairs qui sont chargés de la
sécurité de la prison de Mpimba. Ces derniers collectent illégalement des
sommes pouvant aller jusqu’à 100 mille francs par mois auprès des boutiquiers
de la prison, enchaîne l’ancien député. Chaque nouveau détenu doit également
payer une somme comprise entre 5 et 500 mille francs selon l’emplacement du
lieu de sa détention et ses moyens financiers. Tout cet argent est collecté
d’une manière arbitraire et sans quittances, précise Banciryanino.
Les détenus ont
également été privés d’une partie de leur ration alimentaire pendant une
dizaine de jours au cours des mois de janvier et février 2021, dénonce Fabien Banciryanino.
Selon lui, il y a
eu violation des articles 7, 12, 17, 27, 31, 32, 33, 42, 45, 47, 53, 54 et 55 de
la loi n°1/24 du 14 décembre 2017 portant révision du régime pénitentiaire. Citons les trois premiers.
"Article 7: A défaut de pouvoir créer des établissements pénitentiaires spécialisés, et dans le but de la séparation des différentes catégories des détenus, l'administration pénitentiaire aménage des quartiers spécifiques en tenant compte de leur statut de détention, de leur sexe, de leur âge, de leurs antécédents, des motifs de leur détention et des exigences de leur traitement."
"Article 12: Les principaux droits et devoirs des détenus sont affichés en kirundi et en français aux endroits accessibles aux détenus.
Si le détenu ne sait pas lire, ces informations doivent lui être fournies oralement."
"Article 17: L'ordre et la discipline des détenus sont assurés par un corps de surveillance en uniforme appuyé par un corps de police.
Le corps de surveillants est régi par le statut du personnel de l'administration pénitentiaire."
Réagissant ce mardi sur la punition d’isolement de Fabien Banciryanino à Mpimba, quelques jours après l’envoi de la correspondance dénonciatrice, le président de la CNIDH Sixte-Vigny Nimuraba a souligné qu'il est normal de corriger un prisonnier qui a enfreint les règles, et que la loi l’autorise. « Et Banciryanino n’est pas le seul à être corrigé», a-t-il ajouté.
Dans ce pays qui a fermé le Bureau des Droits de l'Homme des Nations Unies depuis mars 2019, certaines organisations, comme l'ACAT-Burundi, indiquent que, dans le contexte actuelle où la Justice et les Institutions Nationales des Droits de l’Homme comme la CNIDH et l'Ombudsman semblent être pris en otage par l’Exécutif, l’aboutissement des enquêtes menées par le Ministère public sur des cas d’atteintes au droit à la vie ou des disparitions forcées reste hypothétique en particulier lorsque les victimes sont des opposants politiques ou des défenseurs des droits de l’homme.
Durant le seul mois de février 2021, ACAT-Burundi a pu répertorier 23 cas d’assassinats, 3 cas d’enlèvement, 19 cas d’arrestations arbitraires et détentions illégales, ainsi que 6 cas d’atteintes à l’intégrité physique. Certains administratifs à la base en complicité avec des policiers et des miliciens Imbonerakure s’illustrent dans ces violations selon l'Action des Chrétiens pour l'Abolition de la Torture au Burundi.
Le minimun de ces détails, à l'intérieur et à l'extérieur de la prison centrale de Mpimba, risque de ne jamais apparaître dans aucun rapport de la Commission actuelle des Droits de l'Homme du Burundi qui est, pourtant, entrain de négocier le Statut A.
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