dimanche 7 avril 2019

«Le corps de la femme ne doit plus être un champ de bataille»


Militante humanitaire burundaise visée par un mandat d’arrêt dans son pays, Marguerite Barankitse vit un exil fertil qui, grâce à son influence mondiale, lui permet de sauver des milliers de femmes et d’enfants


Celle qui coche toutes les cases pour être une future prix Nobel de la paix garde un souvenir amusé d’un trophée reçu en  des mains de George Clooney. 
N’arbore pas son insigne de chevalier de la Légion d’honneur, mais le pin’s de Gynécologie sans frontières (GSF).
Ce dernier, où s’illustre une femme les bras levés, symbolise à merveille le proverbe africain « Si les femmes baissaient les bras, le monde s’écroulerait ». 
Un clin d’oeil également au Dr Boyer, secrétaire général de GSF, qu’elle est venue saluer ces jours-ci à Draguignan, ville où elle a pris la parole dès  pour relayer son combat pour la dignité des femmes et des enfants du Burundi. Combat qui l’anime depuis  ans et a permis, à travers son ONG, de sortir de l’enfer des guerres civiles plus de   orphelins, petites filles violées, garçonnets castrés ou enrôlés comme bras armés… De sa verve bienveillante, elle défend leur cause, même si au fil du discours sa tunique humanitaire, devenue trop étroite, se transforme en « tenue de combat » politique contre le président burundais, qui l’a contrainte à l’exil en la placardant « ennemie de l’État ».

Indésirable chez vous, où résidez-vous aujourd’hui ?

Je suis citoyenne du monde parmi les miens. Je voyage grâce à des documents luxembourgeois. Lorsque le président Nkurunziza m’a déclaré « criminelle », on m’a accueillie en  dans un palais grand-ducal au Luxembourg. Mais après deux jours avec mes proches, même si nous étions comme intégrés à la famille grand-ducale, j’ai osé dire que ce n’était pas notre place. 
Le  juillet , je suis donc partie pour le Rwanda. La grande-duchesse, qui parle de « sainte colère » à mon sujet, n’a jamais cessé de m’aider dans mes projets depuis que nous nous sommes rencontrées en  et sa prise de conscience et visitant les enfants entassés dans les prisons du Burundi. Grâce à elle,  en sont sortis, et deux grands centres ont été construits pour eux !

Vous arrivez du tout premier colloque « Stand Speak Rise Up » au Luxembourg. Quelles avancées ?

L’innovation, c’est de dire que ça ne suffit pas d’aider toutes ces femmes victimes de viols. Il faut qu’il y ait un suivi. Sanitaire, psychologique, judiciaire, matériel, etc. Il faut appréhender ces cas de façon holistique. Dans leur ensemble ! Vous savez, à force de voir toutes ces misères, on se blinde. Mais là, c’est la première fois que je pleure à la fin d’un colloque…


En fait, c’étaient des larmes de joie en voyant une si haute personnalité [Son Altesse royale la Grande-Duchesse de Luxembourg, qui organisait ce rendez-vous, Ndlr] danser avec  survivantes de violences sexuelles en provenance du monde entier ! Pour une fois, ce sont elles qui étaient mises à l’honneur, avaient la parole devant la procureure de la Cour pénale internationale, Mme Macron, etc. « L’homme qui répare les femmes » et prix Nobel de la paix , le Dr Denis Mukwege, était présent. Quels liens entretenez-vous ? L’Irakienne Nadia Murad qui partageait son Nobel était également présente ainsi que le Nobel , le professeur Muhammad Yunus (fondateur de la Grameen Bank). Denis Mukwege, c’est mon voisin [le Congo est tout proche du Burundi, Ndlr]. Un grand frère aussi ! Nous avons des prix, mais surtout un combat en commun. S’il y a tous ces viols, c’est qu’il y a une mauvaise gouvernance dans nos deux pays. Le corps sacré de la femme est un champ de bataille. C’est devenu une arme de guerre ! Et nous, ne faisons que réparer les pots cassés de tous ces politiciens indignes…

Comment peser sur la situation au Burundi ?

Le Burundi est le pays le plus corrompu de la planète. Je suis fâchée ! Le premier pays qui peut faire pression, c’est la Tanzanie. Si elle décrétait un embargo économique en représailles des tueries, le président Nkurunziza céderait tout de suite ! Idem avec l’Union européenne, qui verse des millions chaque mois pour la mission de maintien de la paix en Somalie, alors qu’avant de payer les   soldats burundais, cet argent sert à entretenir la milice du président pour tuer sa population… C’est ça, le terrorisme de l’État ! Mais il reste appuyé par certaines puissances qui convoitent les terres agricoles, le nickel, et son emplacement stratégique sur le plan géopolitique…

‘‘ Au Burundi, il y a un terrorisme d’État”

‘‘ Clooney ? Je ne le connaissais même pas !”

L’ONU vient de fermer son bureau des droits de l’homme au Burundi. Un autre mauvais signal…
Cela s’ajoute aux bureaux des médias indépendants et étrangers. Je ne comprends pas pourquoi les ambassadeurs restent… Pour moi, l’arme la plus puissante pour contrer tout cela, c’est l’éducation. C’est ma priorité, et j’invite les gens à financer des scolarisations (), gages de dignité et de valeurs qui nourriront nos futurs dirigeants, car depuis l’indépendance, c’est le chaos. D’ailleurs, je lance un cri de détresse comme une maman, car si d’ici juin, je ne réunis pas   €,  étudiants vont devoir arrêter les cours. Mais j’ai une confiance triomphante en la providence !


Parmi vos multiples distinctions, laquelle est la plus précieuse ?

[Long silence] Je dois vous avouer que la seule qui me ferait du bien, c’est de ne plus voir d’enfants dans les prisons, en finir avec la malnutrition, les maladies, les violences, etc., au Burundi.
C’est pourquoi celui qui m’a le plus touchée est le Prix mondial des enfants remis par la reine Silvia de Suède en . Moi-même je n’ai pas eu d’enfants biologiques, mais je leur dédie ma vie depuis l’âge de  ans.

Et celle remise par George Clooney ?

La symbolique du prix Aurora pour l’éveil de l’humanité m’a énormément touchée, mais lui, je ne le connaissais pas ! [rire] Mes enfants étaient tout excités :
« Waouh, c’est le plus bel homme ! »
J’ai répliqué : « Oui, mais en face, il y a la plus belle femme aussi ! » [éclat de rire] Plus sérieusement ce prix, qui m’a rétablie dans ma dignité, est celui de tous ceux qui sont en exil.

                                                                                                          Par NICE-MATIN

Sa ''prophétie'' lui vaut des jours dans les cachots de Bujumbura

Certains fidèles de son église croient qu'il avait fait une phophétie mais certains amoureux du ballon rond pensent qu'il avait fait un bon pronostic avant le match Burundi contre Gabon. 

Mais ce sont ces commentaires, à la fin du match, qui ont poussé les autorités burundaises à mettre en détention l'évangéliste Modeste Kayihura.

Celui qui se surnomme Prophet Modeste est détenu dans les cachots de la police judiciaire à Bujumbura depuis la soirée de mardi.
Le pasteur de l'église Faith Practice Miracles Ministries avait tenu des propos

jeudi 4 avril 2019

A Kigali, la soif d’informer plus forte que l’exil



Près de 70 journalistes burundais qui avaient dû fuir leur pays durant la crise de 2015 continuent leur mission du Rwanda voisin.
Par Etienne Versaevel r e-
Des journalistes burundais issus de plusieurs médias en exil installés à Kigali, la capitale du Rwanda en janvier 2019.
Des journalistes burundais issus de plusieurs médias en exil installés à Kigali, la capitale du Rwanda en janvier 2019. Emile Costard
Assis à une table mal éclairée au fond d’un restaurant de Kigali, la capitale du Rwanda, Gilbert Niyonkuru commande un plat de brochettes et se met à parler de sa vie d’avant, avec la frénésie de celui qui a trop longtemps tu ses secrets. « C’était il y a presque quatre ans. J’ai quitté le Burundi précipitamment car on voulait m’éliminer ! J’ai dû me déguiser pour sortir clandestinement du pays et j’ai réussi, grâce à Dieu », raconte-t-il, les yeux dans le vague, comme si cette dernière phrase le ramenait à ces heures sombres.
Entre deux gorgées de soda, Gilbert Niyonkuru sort son smartphone et se connecte sur Twitter. L’homme aux 10 000 followers pointe une vidéo qui remonte à plusieurs années. Epinglée en haut de son profil, elle le montre derrière un micro, dans un studio d’enregistrement.
Au Burundi, Gilbert Niyonkuru était un journaliste reconnu. Il animait Nomukura He, une émission de la Radio publique africaine (RPA) très écoutée par la jeunesse. « On y parlait amour, copinage, fiançailles. Et le public adorait ! », dit-il avec fierté.

« Le pouvoir a tout détruit »

Animateur vedette la nuit, journaliste enquêteur le jour, Gilbert Niyonkuru était également directeur des programmes de la RPA. Jusqu’à ce jour de mai 2015 où il a dû tout quitter après le coup d’Etat manqué contre le président Pierre Nkurunziza.

« Quand les manifestations contre le troisième mandat de Nkurunziza ont commencé à prendre de l’ampleur à Bujumbura fin avril, les autorités ont eu peur que la contestation ne se répande dans les provinces rurales où notre radio était très écoutée », explique l’animateur. Un matin, des policiers armés ont donc débarqué, ordonnant la fermeture de la radio. Mais, le 13 mai, les putschistes qui tentent de renverser le président forcent les journalistes à rouvrir l’antenne. « Ce jour-là, on a dû retourner à la radio sous la pression des putschistes qui exigeaient que nous couvrions l’événement. Sauf que, quelques heures plus tard, la garde présidentielle avait repris le contrôle de la situation. Le lendemain, en représailles, le pouvoir a tout détruit. Tout a brûlé ! Il ne restait que les murs calcinés. »
A Kigali, en janvier 2019, Gilbert Nyonkuru, journaliste à la Radio publique africaine (RPA). Réfugié au Rwanda depuis 2015, il produisait une émission de radio à succès « Nomukura he », où la jeunesse burundaise venait pour parler  « amour, copinage, fiançailles ».
A Kigali, en janvier 2019, Gilbert Nyonkuru, journaliste à la Radio publique africaine (RPA). Réfugié au Rwanda depuis 2015, il produisait une émission de radio à succès « Nomukura he », où la jeunesse burundaise venait pour parler  « amour, copinage, fiançailles ». Emile Costard
Une poignée d’heures plus tard, Gilbert Niyonkuru est alerté parce que son nom figure sur une liste de personnes à éliminer. S’il ne disparaît pas rapidement, il prend le risque d’être assassiné. En quelques minutes, il lui faut opter pour l’exil. Pour des raisons logistiques, il choisit le Rwanda, accessible rapidement par la route de Bujumbura. Aujourd’hui, près de 70 journalistes burundais sont réfugiés à Kigali.
« Ils arrivaient au compte-gouttes. Comme moi, ils étaient complètement sonnés. Il nous a fallu deux mois pour que notre besoin d’informer refasse surface, explique-t-il. Et, en juillet 2015, avec l’ensemble des journalistes burundais en exil au Rwanda, on a lancé la radio Inzamba. »
Alexandre Niyungeko, président de l’Union burundaise des journalistes, était lui aussi dans le viseur du régime après avoir signé plusieurs communiqués qui dénonçaient les brutalités policières. Il dirige aujourd’hui la radio Inzamba, où près de 30 journalistes en exil continuent leur mission. L’homme de 1,90 m à la voix rassurante se souvient de l’engouement pour ce projet et de la détermination de ces professionnels exilés. « Tout le monde était très excité à l’idée de reprendre le micro. Et puis on savait qu’on allait être écoutés au Burundi. Nous n’avions rien, alors on a fait une réunion pour demander aux journalistes s’ils étaient prêts à bosser bénévolement. Et ils se sont tous portés volontaires. »

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Douleur chronique

Les débuts sont difficiles, mais rapidement une radio rwandaise leur prête un studio et des fonds arrivent de la diaspora. Quelques ONG, aussi, livrent du matériel et des ordinateurs. Au pays, la situation ne s’améliore pas pour les professionnels de l’information qui continuent d’affluer chez le voisin rwandais. Comme les journalistes sont trop nombreux pour être absorbés par la radio Inzamba, les rédactions dispersées finissent par se reformer.
La télévision Renaissance et la RPA, deux médias détruits par les flammes, rouvrent malgré d’énormes difficultés : pas d’argent pour les salaires, pas d’accès au Burundi pour partir en reportage et pas d’accès aux canaux traditionnels de diffusion. Mais leur passion est plus forte. Les journalistes développent des réseaux d’informateurs anonymes fiables pour faire remonter les informations du terrain burundais, auxquels ils tentent d’ajouter des personnalités officielles. « Nous continuons d’appeler les responsables politiques, même s’ils refusent de nous répondre. Cependant, certains officiels et hauts gradés avec qui nous avons réussi à maintenir un lien nous donnent du “off” », explique Alexandre Niyungeko. La radio RPA diffuse ses contenus audio sur les réseaux sociaux, faute de pouvoir se payer un canal sur ondes courtes, tandis que la télévision Renaissance livre chaque jour ses journaux télévisés sur YouTube. Une gageure quand on sait que seulement 8,5 % des Burundais ont accès à Internet. Qu’importe, ils continuent et leurs efforts payent. Depuis deux ans, grâce au soutien d’ONG, les journalistes burundais en exil perçoivent de nouveau un salaire.
Janvier 2019. Claude-Nininahazwe, journaliste présentateur pour la radio Inzamba, créée à Kigali, au Rwanda, après l’exil du Burundi en 2015.
Janvier 2019. Claude-Nininahazwe, journaliste présentateur pour la radio Inzamba, créée à Kigali, au Rwanda, après l’exil du Burundi en 2015. Emile Costard
« On ne peut pas se plaindre quand près de 360 000 de nos compatriotes se battent pour joindre les deux bouts dans les camps de réfugiés », lance Eddy-Claude Nininahazwe, qui s’estime chanceux d’avoir retrouvé un travail. Exilés chanceux, certes, mais exilés quand même. La douleur chronique de l’éloignement revient souvent dans les discussions. Ces parias de l’info, refoulés d’un pays qui ne veut pas les entendre, ont encore bien des choses à dire.
Autrefois foisonnant, le paysage audiovisuel burundais se résume aujourd’hui à quelques rares médias qui peinent à produire une information indépendante. Selon le dernier rapport de Reporters sans frontières (RSF), le Burundi occupait en 2018 la 159place du classement mondial de la liberté de la presse sur 180.
La liberté de la presse peut-elle exister sans liberté économique ?
Liberté d’informer et liberté économique seraient intimement liées. C’est la thèse de Kevin Brookes et Patrick Déry, deux analystes en politiques publiques à l’Institut économique de Montréal (IEDM).
Pour arriver à cette conclusion, et même montrer que plus la liberté économique d’un pays est grande, plus sa presse y est libre, les deux chercheurs ont superposé le palmarès annuel de la liberté économique de James Gwartney et Robert Lawson et celui de la liberté de la presse publié chaque année aussi par Freedom House, équivalent anglo-saxon du travail de Reporters sans frontières.
La « liberté économique », selon Gwartney et Lawson, se mesure à l’aune d’une série d’indicateurs : la manière dont les Etats manient le droit de propriété et offrent un cadre permettant une application aisée des contrats ou si, au contraire, les lois y compliquent le commerce et l’entrepreneuriat.
D’après leurs mesures, les deux indicateurs marchent de concert et l’augmentation d’un point de l’indice de liberté économique d’un pays (sur une échelle de 10) entraîne une augmentation de quatorze points (sur 100) de l’indice de liberté de la presse. Plus largement, la liberté économique expliquerait 35 % de la variation de l’indice de liberté de la presse sur l’ensemble des données de la période 2001-2015 et pour une majorité des pays examinés.

Droits civils et politiques

Sur les 111 passés au crible de cette double lecture, seulement 25 pays ont connu une augmentation de leur liberté de la presse entre 2001 et 2015. Mais, parmi ces derniers, une très large majorité (19) a vu aussi sa liberté économique croître. A l’inverse, « on n’a jamais observé de cas de sociétés démocratiques respectant les droits individuels sans un minimum de liberté économique », rappelle Patrick Déry, alors qu’il compile de nouvelles données pour compléter, en mai, cette étude publiée en 2018. Les deux chercheurs avaient aussi observé que huit des dix pays qui ont connu la plus forte baisse de liberté économique ont aussi enregistré une diminution sensible de leur liberté de la presse.
Avant eux, le lien entre ces deux libertés avait été établi de manière formelle par les Nobel d’économie, Milton Friedman et Friedrich Hayek. Ils s’étaient arrêtés sur le fait que la diminution de la liberté économique entraînait nécessairement une diminution des droits civils et politiques, dont le droit des citoyens d’exprimer leurs idées.
Par Etienne Versaevel (Kigali, envoyé spécial) 
                                                                                                  Par Le Monde  




mardi 2 avril 2019

Entretien avec Alexis Sinduhije, leader de la résistance: Le Cnared est né pour stopper le cauchemar burundais, le régime de Pierre Nkurunziza

Figure de proue de l’opposition burundaise et contraint à vivre en exil en Belgique depuis quelques années, Alexis Sinduhije s’exprime sur la situation sociopolitique de son pays, notamment la lutte que mène le Cnared (Conseil national pour le respect de l’accord d’Arusha et la restauration d’un Etat de droit) au Burundi. Selon ses explications, le Cnared a accompli la mission à lui assignée dès sa création. Il en veut pour preuves, ses nombreuses actions ayant permis à la communauté internationale de se rendre compte que le Burundi est un pays où la situation des droits de l’homme est alarmante. Cependant, il reconnait que la diversité des opinions au sein du Cnared qui le crédibilise devant la communauté internationale, constitue également un handicap pour son fonctionnement. Il revient par ailleurs, dans cet entretien, sur l’amendement de la Constitution burundaise et annonce la détermination du Cnared à stopper le régime de Pierre Nkurunziza pour restaurer l’Etat de droit.
L’Événement Précis : Opposant burundais en exil, dites-nous, Alexis Sinduhije, comment organisez-vous depuis la Belgique, la lutte contre l’accaparement du pouvoir au Burundi?
Je suis aujourd’hui dans la résistance parce que mon pays est sous une dictature sans nom, celle de la famille de Pierre Nkurunziza avec l’aide de ses sbires de l’armée, de la police et de sa milice para militaire Imbonerakure, même si nous avons des contacts avec certains d’entre eux qui comprennent notre lutte. Je suis un Africain convaincu que notre continent est capable du meilleur pour lui-même et pour le monde, et que notre jeunesse peut avoir mieux que d’aller finir sa vie en Méditerranée. Il nous faut du bon sens et de la volonté pour inventer un meilleur avenir. C’est le défi du Mouvement pour la solidarité et la démocratie (Msd) qui résiste à ce régime sanguinaire pour inventer un avenir plus radieux pour le Burundi.
Parlez-nous du Cnared. Quelles sont les principaux objectifs de ce creuset ?
Le Conseil national pour le respect de l’Accord d’Arusha et la restauration d’un Etat de droit, Cnared en sigle, a vu le jour pour stopper le cauchemar burundais que sont Pierre Nkurunziza et son régime. Le Cnared a été créé après la comédie électorale de son 3ème mandat, pour empêcher qu’il s’installe dans le fait accompli, pour maintenir en alerte la communauté internationale sur le danger que constitue ce régime pour les burundais mais aussi pour la sous-région. Le Cnared a rempli cette mission puisque le Burundi reste inscrit sur l’agenda de la communauté internationale comme pays où la situation des droits de l’homme est extrêmement alarmante, et comme pays menaçant la sécurité sous-régionale.
Paradoxalement, la raison de ce succès est aussi celle de son échec. La raison du succès est que le Cnared a rassemblé des partis et des personnalités politiques d’opinions et d’horizons très diversifiés, ce qui a crédibilisé son combat politique auprès de l’opinion nationale et internationale. Mais cette diversité dans une plate-forme politique finit par être un handicap, parce qu’elle ne peut pas empêcher les habituelles mesquineries politiciennes de refaire surface au fur et à mesure que l’on approche l’objectif à atteindre, ou que l’endurance au combat fait défaut à certains. C’est un phénomène que l’on observe dans toutes les luttes politiques, et le Cnared n’a pas fait exception.
Le Cnared a donc rempli sa mission et la crise qu’il traverse avec les défections enregistrées récemment ne change rien à cet acquis positif d’avoir révélé au monde entier la nature criminelle de Pierre Nkurunziza et son régime. Aujourd’hui, grâce au Cnared, aucune personnalité politique, aucun Etat ne peut prétendre qu’il ne connait pas le véritable visage de ce régime. C’est appréciable comme travail accompli. Maintenant, il faut passer à une autre étape de la lutte et le Cnared n’est pas indispensable pour cela.
Puisque votre mouvement, le Msd a été suspendu par le gouvernement burundais, est-ce que les actions du Cnared, au regard de votre position actuelle, peuvent impacter votre base et la population burundaise ?
En réalité, le parti Msd n’a pas pu travailler comme le lui autorisait la loi depuis 2014, à cause des entraves administratives et policières sciemment mises en œuvre par le pouvoir. Cette suspension a expiré depuis octobre 2017, mais juste après l’expiration de la sanction, le ministre de l’Intérieur a saisi la justice pour demander la radiation du Msd pour des motifs complètement farfelus. Légalement, le Msd existe toujours, mais de fait il ne peut pas travailler et nos militants sont constamment intimidés, portés disparus, arrêtés, emprisonnés, torturés, tués. Tout cela indépendamment des activités du Cnared. C’est une volonté politique du Cndd-Fdd (Le Conseil national pour la défense de la démocratie et Force pour la défense de la démocratie) de rayer le Msd de l’espace politique qui existe bien longtemps avant la création du Cnared. C’est la même chose pour la population qui est prise en otage par le système Nkurunziza. Elle souffrait déjà bien avant l’existence du Cnared.
Comment voyez-vous la gestion du pouvoir aujourd’hui dans votre pays ?
C’est un système criminel qui gère le pays par la corruption et le crime de sang, et qui n’a d’autre vision que de se pérenniser au pouvoir. Mais cette gestion n’est pas seulement cauchemardesque pour la population, elle constitue un danger pour la stabilité de la sous-région des Grands Lacs, et on en sent déjà les frémissements.
Alors, depuis que le ‘’oui’’ l’a emporté sur le ‘’non’’ pour l’amendement de la Constitution burundaise, à quoi peut-on s’attendre dès l’année prochaine, en 2020 ?
Le ‘’oui’’ pour l’amendement de la Constitution ne l’a pas emporté, parce que la population ne s’est pas exprimée. Il n’y a aucun crédit à donner à ce référendum, qui a eu lieu en mai 2018, comme il n’y a aucun crédit à donner aux élections de 2020 qui seront organisées par Pierre Nkurunziza. Il ne faut pas non plus oublier que cette Constitution n’a pas été soumise à l’approbation du Parlement (sa chambre d’enregistrement) pour être traduite en une loi, et qu’elle est donc juridiquement inexistante. La Constitution est en effet une loi fondamentale promulguée par décret après la sanction du Parlement. Donc, la lutte contre le régime criminel de Bujumbura va continuer.
Pensez-vous avoir l’arsenal nécessaire pour dire non à un troisième mandat du président Pierre Nkurunziza, et qui sont vos soutiens actuels dans cette lutte ?
Le troisième mandat de Nkurunziza tire à sa fin, et ce n’est pas seulement le mandat qui constitue le problème mais, comme je vous l’ai dit, c’est le système éminemment criminel du Cndd-Fdd.
L’arsenal nécessaire pour détruire ce système existe, c’est la détermination du peuple burundais qui ne faiblit pas, en dépit de la répression et des violations massives des droits humains. Cette détermination est le meilleur arsenal. Et c’est ce peuple qui est le soutien permanent de notre lutte.
La réconciliation Tutsi et Hutu, où en êtes-vous près de 20 ans après la création de votre station radio ?
La réconciliation Tutsi et Hutu est une réalité concrète que Pierre Nkurunziza lui-même est en train d’expérimenter. Il a tout fait pour ethniser la crise qu’il a lui-même créée, et la réponse qu’il a c’est une lutte nationale contre lui et son système, dont le porte flambeau est composé de Tutsi et Hutu.

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Des négociations sont-elles en cours pour votre retour au pays ?
Non, il n’y en a pas. Ce n’est pas possible, ni envisageable, tant que Nkurunziza et son système sont en place. En tout cas pas pour le Msd. Il n’y a plus d’autre choix que de résister contre un régime sanguinaire. La communauté internationale est hésitante mais, soyez rassurés, les fourmis que nous sommes arriveront à terrasser celui qui se prend pour un éléphant.
Quel est l’objectif du congrès du Msd en vue?
Ce n’est pas un congrès, c’est une réunion de membres du Msd de la diaspora européenne comme on en fait régulièrement. Ce sont des occasions de faire le point sur le pas franchi dans la lutte, et de discuter des étapes suivantes de la résistance contre ce régime qui ne cesse de tuer sa population.
La sanction américaine pèse-t-elle toujours sur vous ?
Oui, en principe. Elle n’est pas encore levée, mais je crois que cela viendra. La sanction a été prise dans un contexte précis, qui a beaucoup changé depuis, et qui a surtout révélé au monde la nature réelle de Pierre Nkurunziza et son régime, ce qui n’était pas le cas à l’époque où a été prise la sanction.
D’aucuns vous considèrent comme la bête noire du régime Nkurunziza. Quel est votre parcours au juste ?
Je suis journaliste de profession, formé à l’université du Burundi et à l’université de Harvard aux États-Unis. J’ai fait tout dans les médias. La presse d’agence avec Reuters, la presse écrite avec un journal, La semaine que j’ai fondé avec des copains, qui a fait long feu et a été interdit dans sa deuxième année, la radio aussi, et la création de la radio publique africaine, le fameux mur des lamentations du peuple burundais que j’ai dirigé pendant 10 ans.
Un appel à lancer aux populations burundaises ?
Oui. Continuez dans votre détermination, ne perdez jamais espoir, créez des chemins de la liberté car, comme le disait un grand résistant, « tant qu’il y a du chemin, il y a de l’espoir ». Je vous remercie.

Entretien réalisé par Gérard AGOGNON
                                                                                                     Par L'événement Précis

mardi 19 mars 2019

Du sang sur les mains de l’ombudsman ?



Après son annulation jeudi, la rencontre entre Edouard NDUWIMANA et les Burundais résidant à Durban a finalement eu lieu ce samedi dans les enceintes du Denis Hurley Centre. 
Certains burundais, qui attendaient avec impatience ce meeting, ont mis en cause la crédibilité de l'Ombudsman burundais.

A part l’un des membres du CNDD-FDD qui a demandé à l’Ombudsman de redoubler d’efforts pour convaincre plusieurs leaders politiques à rentrer dans le pays, la plupart des interventions se sont focalisées sur les crimes