dimanche 23 janvier 2022

Rapporteur Spécial sur le Burundi : un ‘’bavard’’ dans la liste des candidats

Il se nomme Ambassador Gerard Nsengiyumva. Il écrit beaucoup sur Twitter surtout depuis qu’il est candidat au poste de Rapporteur Spécial sur la situation des droits de l’homme au Burundi. Volontaire en ligne au sein des Nations Unies depuis 2018 et ancien chargé des relations publiques et de la communication au ministère des infrastructures au Rwanda (2010-2011), ce détenteur du diplôme de Bachelor en Administration des Affaires (Business Administration) à Kigali Institute of Science, Technology and Management, dit croire qu’il est le meilleur des candidats à ce poste.

Dans la matinée de jeudi, 20 janvier 2022, alors qu'ils étaient encore au nombre de sept, le candidat de nationalité rwandaise m’a accordé une longue interview. (Le Mandat)

Pour commencer, j'ai voulu savoir pourquoi il se nomme "Ambassadeur"

Cà c’est le titre que j’ai reçu lorsque j’ai joint l’agence des Nations Unies des volontaires en juin 2018. Il y avait des cours qu’on devait apprendre et après on obtenait le titre d’ambassadeur qui était prévu. Donc, depuis ce temps-là, je suis l’ambassadeur de 193 pays membres des Nations Unies, incluant le Rwanda bien sûr qui est ma nationalité rwandaise [qui est mon pays d’origine].

Avec votre titre d’ambassadeur, qu’est-ce que vous faites exactement?

Normalement, à part le titre que j’ai reçu d’après les cours que j’ai reçus au sein du campus électronique, normalement je suis entré dans le système des Nations Unies comme volontaire. J’ai accumulé bon nombre de titres dépendant bien sûr du succès des études que je suivais. Sur mon compte Twitter, vous pouvez même y trouver des certificats qui certifient certains de ces titres-là.

D’accord. Entrons maintenant dans le vif du sujet. Aujourd’hui, vous êtes candidat au poste de Rapporteur Spécial sur la situation des droits de l’homme au Burundi. Et je vois dans vos publications sur Twitter, vous vous présentez comme le candidat idéal alors que vous n’avez ni l’expérience dans le domaine du droit en général ni dans le domaine des droits de l’homme. Pourquoi? 

Lorsque j’étais à l’école secondaire, nous faisions des études des droits de l’homme. Les études de droit c’étaient parmi les cours qu’on faisait lorsque j’étais à l’université au campus de Kigali Institute of Science, Technology and Management. Donc, le domaine de droit n’est pas un domaine étranger pour moi. Ce que je peux dire c’est que, dans le système des Nations Unies, quand on étudie, il y a aussi des applications directes. On vous met quelques fois dans des actions simulées. Donc, ce n’est pas seulement les théories, mais il y a aussi des actions qui vous donnent l’expérience dont vous parlez maintenant. Dans l’e-mail que je vous ai envoyé, il y a la couverture de certains des livres de la formation qui m’a donné ce titre de rapporteur spécial des Nations Unies. Je vous ai envoyé aussi des photos qui portent la mention ‘’pratique’’. Donc, c’est ça que l’expérience veut dire. En plus de cela, même la vie c’est l’expérience elle-même du droit et de justice parce qu’en tant qu’une personne, j’ai eu quelques cas dans la justice. J’ai poursuivi ces cas-là et j’ai gagné. Donc, le domaine de justice ce n’est pas quelque chose qui est nouveau pour moi. C’est quelque chose que je vis, c’est quelque chose que j’ai étudié, c’est quelque chose dans lequel j’ai une expérience qui est universelle.

Pensez-vous que votre expérience-là va peser sur celle des autres candidats que je trouve d’ailleurs beaucoup plus solides? Prenons par exemple les cas de Strauss et de Bocoum.

J’ai fait une analyse de chaque candidat. En ce qui concerne Marie-Thérèse, elle a déjà occupé ce poste. Maintenant, Marie-Thérèse fait déjà partie des membres du groupe des experts au Kasaï en République Démocratique du Congo. Donc, dans les principes des rapporteurs spéciaux, ça c’est ce qu’on appelle l’accumulation des activités des droits de l’homme. C’est un principe qu’on doit respecter. Marie-Thérèse a déjà perdu parce qu’elle ne respecte pas ce principe comme elle est déjà occupée au Kasaï. Demander un autre poste lié aux droits de l’homme c’est une faute absolue.

Là, je vois que vous évoquez les articles 44 et 46 de la résolution 5/1 qui exigent le respect du principe du non-cumul des mandats. Mais le formulaire que vous avez vous-même complété, Marie-Thérèse Bocoum l'a complété aussi et a accepté d’abandonner sa mission du Kasaï au cas où elle serait désignée Rapporteur Spécial sur le Burundi.

Non, il faut essayer de mettre les choses dans la logique. Imaginez vous avez accepté de travailler pour un employeur pour x temps, disons, un an. Et après 8 mois, vous allez chez votre employeur et vous lui dites non je ne vais pas compléter les 12 mois parce que j’ai un autre travail. Mettez-vous alors dans l’état, à la place de cet employé-là. Ca c’est un. Deux, la raison pour laquelle je suis le meilleur c’est que tous ces candidats-là n’ont pas signé leurs formulaires. On appelle ça des tracts. Au milieu du formulaire, la signature est incluse dans la lettre et on demande que cette signature-là doit être tapée. Tous les 6 candidats, qu’ils aient une expérience, qu’ils aient quelques qualifications, qu’ils soient compétents, mais ils n’ont pas complété la procédure. Donc, pour moi, c’est le seul point qui me permet de dire que je suis le meilleur candidat sans entrer dans les détails de leurs études, des expériences faites.

Mais la signature électronique ou ‘’typed signature’’ était également acceptée. Or la signature électronique peut uniquement être constituée du nom et du prénom. Et j'ai vu que certains candidats ont mis leurs noms et prénoms en bas de la lettre de motivation demandée. Que dites-vous à propos de ceux-là?

Cher Emile, les formulaires sont claires. La signature c’est la signature. Les noms c’est les noms. N'essaie pas d'altérer les instructions ou ajouter ce qui n'est pas là. Je pense que tu as un grand problème de compréhension de la langue anglaise. Ils n'ont pas tout simplement signé puisque leurs places de signature sont absolument vides. C'est très facile à voir ma vérité. Cette technique d'essayer de remplacer la signature par les noms et ou prénoms est fausse d'après tout ce que je viens de vous expliquer. Ils n'ont qu'à accepter la défaite prématurée de leurs formulaires de candidature.

Non, je ne pense pas que j'aie un grand problème de compréhension de l'anglais mais abordons maintenant le point sur votre pays, votre nationalité. Vous savez que certains appellent même les deux pays, le Burundi et le Rwanda, les pays jumeaux. Ils partagent une même histoire à certaines époques. Ne pensez-vous pas que l’on va douter de votre objectivité, de votre impartialité parce que ça fait partie des critères de sélection?

En ce qui concerne l’impartialité et d’autres principes des Nations Unies, je suis déjà sur le point maximal du respect et de connaissance de ces principes-là de neutralité et d’impartialité parce que j’ai des certificats qui confirment que je suis aussi un agent humanitaire par formation. Ce sont des principes qu’on doit respecter même sans le dire. Ca c’est un. De deux, si vous regardez sur mon compte Twitter, vous allez voir que lorsque j’ai donné ma candidature, j’ai essayé de voir ce que le public peut dire de moi si demain je deviens Rapporteur Spécial sur les droits de l’homme au Burundi. J’ai même déjà contacté Son Excellence le président de la République burundaise le Général [Evariste Ndayishimiye] pour demander ce qu’on peut penser si demain ou après-demain je deviens le Rapporteur Spécial.

Qu’est-ce qu’il vous a répondu?

Normalement, il y a eu quelque chose comme silence. Il y a eu silence mais en français comme vous le savez ‘’Qui ne dit mot consent’’. C’est le proverbe français qui est connu. Qui ne dit mot consent. S’il y avait une objection, je l’aurais déjà constaté pendant ce temps-là. J’ai contacté aussi d’autres institutions comme le parlement tout en incluant la Mission des Nations Unies au Burundi. Vous pouvez voir ça sur mon compte Twitter, c’est public.

Nous nous dirigeons vers la fin de notre entretien. Je vois que vous communiquez beaucoup via Twitter. Les autres candidats semblent silencieux, du moins sur les réseaux sociaux. Je n’ai même pas pu trouver des comptes Twitter pour la plupart des candidats. Est-ce que j’aurais tort si je disais par exemple que vous êtes le plus bavard de tous les 7 candidats?

Communiquer n'est pas bavarder. Aujourd’hui, c’est le moment de communiquer. Dans le passé, on devrait être silencieux, on devrait être ignorant. Mais aujourd’hui c’est ça les médias sociaux. On doit être là et on doit être actif. Parce que ça aide à beaucoup de choses. Par exemple, si j’obtiens cet entretien, nous nous entretenons aujourd’hui parce que vous m’avez trouvé sur le compte Twitter, parce que vous m’avez trouvé sur les médias sociaux. Si vous ne m’aviez pas trouvé là-bas, je ne pense pas qu’il y aurait un autre moyen de nous parler de cette candidature. Ce que je peux vous dire c'est qu’il y a une différence entre bavarder et communiquer. On bavarde en disant quelque chose qui n’est pas dans le sujet concerné. Mais ce dont nous parlons aujourd’hui c’est quelque chose qui est bien planifié. Ce que je mets sur mon compte Twitter, c’est ça, c’est pour, disons, éduquer, c’est pour, disons, informer, c’est pour élargir mon réseau comme je vous ai trouvé déjà. Ca c’est un autre outil non seulement dans le domaine des droits de l’homme mais aussi dans beaucoup d’autres domaines. Ces gens-là qui n’ont pas de comptes Twitter, je pense qu’ils manquent aussi quelque chose. Ca devrait même être dans le formulaire peut-être dans les années à venir parce que c’est quelque chose d’important. Parce que lorsqu’on met parmi les critères par exemple la langue anglaise et la langue française, les médias sociaux aujourd’hui c’est comme une autre langue. Les médias sociaux c’est un outil de communication qui ne doit pas être négligé.

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Dernière question. Le gouvernement du Burundi a déjà dit qu’il ne permettra pas au Rapporteur Spécial de l’ONU de franchir ses frontières. Est-ce que ça vous inquiète personnellement?

Aujourd’hui, je ne peux pas commenter sur une décision officielle parce que je ne suis pas encore officiellement désigné comme rapporteur spécial sur le Burundi. Donc, je me réserve de dire quelque chose sur les Nations Unies ou sur le gouvernement burundais. Mais, ce que je peux dire c’est qu’il y a déjà des conventions, des lois, des instruments internationaux que les pays ont déjà signés. Donc, si la décision du gouvernement du Burundi est dans le cadre des conventions qu’ils ont signées, moi je ne vois aucun problème. S’ils disent qu’ils ne peuvent pas accepter le Rapporteur Spécial, que cela soit dans les conventions, que cela soit ce qui ait été convenu. Le système des Nations Unies a déjà prévu tous les chemins auxquels il faut recourir. Donc, si le gouvernement dit ceci, qu’est-ce que cela reflète dans les conventions qu’on a eu avec le gouvernement, qui sont signées, qui sont ratifiées? C’est ça ma position sur cette question. Normalement, le problème c’est que quelques fois les gens oublient ce qu’ils ont accepté publiquement, ce qu’ils ont accepté en accord avec les autres. Ce que je peux ajouter c’est qu’après avoir obtenu le poste de Rapporteur Spécial dans les mois à venir, j’ai la vision de devenir Secrétaire Général des Nations Unies. Ca c’est ma vision, c’est mon rêve.

Et si vous n’êtes pas nommé Rapporteur Spécial?

Si je ne suis pas désigné comme Rapporteur Spécial sur le Burundi, il y aura une plainte. Je dois recourir aux institutions compétentes pour rejeter une autre nomination qui peut être faite. Ce que je peux vous dire c’est que si j’obtiens ce poste clé pour moi, ça me montrera que le système des Nations Unies est vraiment 100% correct. Mais si je n’obtiens pas ce poste, je pense que j’aurai le temps de réfléchir mais je peux même prendre la décision de quitter définitivement le système des Nations Unies. Mais je ne pense pas que ça va être comme ça. Je pense que c’est moi qu’on va déjà nommer. 

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samedi 22 janvier 2022

Rapporteur Spécial sur le Burundi : le "favori" des candidats se retire.

Photo : ONU
Les raisons qui la poussent à abandonner la course ne sont pas évoquées. Mais quelques heures après la présentation de Keita Becoum Marie-Thérèse comme favori au poste de Rapporteur Spécial sur la situation des droits de l'homme au Burundi dans notre dernier article, les Nations Unies annoncent que l'Ivoirienne n'est plus candidate. (Le Mandat)

Le Conseil des Nations Unies aux Droits de l'Homme vient de l'annoncer sur la page des nominations de sa 49ème session qui se tiendra du 28 février au premier avril. Selon la notification ajoutée en dessous du nom de Marie-Thérèse Keita Bacoum, l'Ivoirienne a informé le secrétariat, "en date du 20 janvier 2022, de sa décision de retirer sa candidature à ce mandat".

Après le retrait de Marie Thérèse Keita Bocoum, 6 candidats restent en lice pour ce poste de Rapporteur Spécial de l'ONU sur la situation des droits de l'homme au Burundi. C'est notamment Strauss Ekkehard, haut responsable du département des droits de l'homme au Bureau Intégré des Nations Unies au Burundi (BINUB) en 2010, le Burkinabè Fortuné Gaetan Zongo, président de la cour d'appel de Fada N'gourma au Burkina Faso, l'Italien Maurizio Cusimano, professeur en Criminologie, le Nigérian Segun Jegede, actuellement procureur spécial du gouvernement, le Rwandais Gerard Nsengiyumva, volontaire aux Nations Unies, et le Camerounais Frédéric Foka Taffo, chargé des affaires politiques au sein de la délégation de l'Union Européenne au Cameroun et en Guinée Equatoriale.

Et comme nous l'avions précisé dans notre dernier article, le ministre des affaires étrangères et de la coopération au développement Albert Shingiro a déclaré, en décembre dernier, que le Burundi n'autorisera pas le Rapporteur Spécial des Nations Unies à franchir les frontières de ce pays. 

vendredi 21 janvier 2022

Keita Bocoum, nouveau Rapporteur Spécial de l’ONU sur le Burundi?

Photo: lapresse.tn

C’est au mois de mars que les Nations Unies vont nommer un rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Burundi. Au total, sept personnes ont soumis leurs candidatures mais l’ivoirienne Marie-Thérèse Keita Bocoum semble la mieux placée pour occuper ce poste.           (Le Mandat) 

Elle était déjà Rapporteuse Spéciale des Nations Unies à la veille de la signature de l’Accord d’Arusha et pendant le gouvernement de transition à la tête duquel étaient l’UPRONA et le FRODEBU. De 1999 à 2004, Marie-Thérèse Keita Bocoum avait la principale mission de surveiller et d'évaluer la situation des droits de l'homme au Burundi, de faire des recommandations pour améliorer cette situation et de soumettre des rapports à la Commission des droits de l'homme des Nations Unies (actuel Conseil des Droits de l’Homme), au Conseil de sécurité des Nations Unies et à l'Assemblée générale des Nations Unies. Actuellement membre de l’équipe des experts internationaux, nommés par le Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU, dans la région du Kasaï et en République Démocratique du Congo, l’ivoirienne a occupé, entre autres, des postes de haut responsable des droits de l’homme au Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest, à la Mission conjointe des Nations Unies et de l’Union Africaine au Darfour ainsi qu’en République Centrafricaine.

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En plus des critères exigés comme le savoir-faire, l’expérience dans le domaine du mandat, l’indépendance, l’impartialité, l’intégrité personnelle et l’objectivité, le Comité Consultatif analyse aussi chez les candidats des exigences techniques et objectives comme les diplômes pertinents ou l’expérience professionnelle dans le domaine des droits de l’homme ainsi que la compétence reconnue au niveau national, régional ou international en matière des droits de l’homme.

Des critères qui semblent offrir un avantage de taille à Marie-Thérèse Keita Bocoum face à ses six concurrents. C'est notamment l’Allemand Strauss Ekkehard, haut responsable du département des droits de l’homme au Bureau Intégré des Nations Unies au Burundi (BINUB) en 2010, le Burkinabè Fortuné Gaetan Zongo, président de la cour d’appel de Fada N’Gourma au Burkina Faso, l’Italien Maurizio Cusimano, professeur en Criminologie, le Nigérian Segun Jegede, actuellement procureur spécial du gouvernement, le Rwandais Gerard Nsengiyumva, volontaire aux Nations Unies, et le Camerounais Frédéric Foka Taffo, chargé des affaires politiques dans la délégation de l’Union Européenne au Cameroun et en Guinée Equatoriale.

Au moins un mois avant le début de la 49ème session du Conseil des droits de l’homme, le groupe consultatif devrait proposer au Président du Conseil une liste de candidats possédant les plus hautes qualifications pour le poste et répondant aux critères exigés.

Selon la résolution 5/1, sur la base des recommandations du groupe consultatif et à l’issue de consultations étendues, tenues en particulier par l’intermédiaire des coordonnateurs régionaux, le Président du Conseil déterminera le candidat approprié au poste de Rapporteur Spécial sur le Burundi qu’il présentera aux Etats membres et aux observateurs au moins deux semaines avant le début de la session.

En décembre dernier, le ministre burundais des affaires étrangères Albert Shingiro a indiqué que le Burundi n'autorisera pas le Rapporteur Spécial des Nations Unies à entrer sur son territoire.

mercredi 29 décembre 2021

Burundi-ONU : Le régime a 3 mois pour s’expliquer sur la torture de Roger Muhizi

Il est parmi les militants du Mouvement pour la Solidarité et la Démocratie (MSD) qui ont extrêmement souffert en détention à Bujumbura. Blessé par balles lors de l’attaque de la permanence nationale de son parti par les forces de sécurité le 8 mars 2014, Roger Muhizi a été arrêté le lendemain pour ensuite passer des années "sans permission" de se faire soigner. Selon le Comité des Nations Unies Contre la Torture, le gouvernement du Burundi a violé plusieurs dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. (Le Mandat)

L’administration des coups de crosses de fusils et de matraques à Roger Muhizi déjà blessé par balles, le refus aux soins de santé pendant plusieurs heures, les insultes, les intimidations, ainsi que le refus d’octroi du dossier médical font partie des éléments constitutifs de torture au sens de l’article 1 de la Convention selon le Comité Contre la Torture qui ajoute que ces coups lui infligés par des agents étatiques ont occasionné, chez la victime, des douleurs et souffrances aiguës, y compris des souffrances morales et psychologiques.

"Article 1: 

1. Aux fins de la présente Convention, le terme "torture" désigne tout acte par lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont intentionnellement infligées à une personne aux fins notamment d'obtenir d'elle ou d'une tierce personne des renseignements ou des aveux, de la punir d'un acte qu'elle ou une tierce personne a commis ou est soupçonnée d'avoir commis, de l'intimider ou de faire pression sur elle ou d'intimider ou de faire pression sur une tierce personne, ou pour tout autre motif fondé sur une forme de discrimination quelle qu'elle soit, lorsqu'une telle douleur ou de telles souffrances sont infligées par un agent de la fonction publique ou toute autre personne agissant à titre officiel ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite. Ce terme ne s'étend pas à la douleur ou aux souffrances résultant uniquement de sanctions légitimes, inhérentes à ces sanctions ou occasionnées par elles.

2. Cet article est sans préjudice de tout instrument international ou de toute loi nationale qui contient ou peut contenir des dispositions de portée plus large."

Le Comité Contre la Torture indique aussi que l’Etat partie n’a pris aucune mesure pour protéger la victime et sanctionner ces actes de torture malgré les plaintes. Dans sa décision publiée le 21 décembre, le Comité conclut à une violation de l’alinéa 1 de l'article 2 de la Convention.

"Article 2: 

1. Tout Etat partie prend des mesures législatives, administratives, judiciaires et autres mesures efficaces pour empêcher que des actes de torture soient commis dans tout territoire sous sa juridiction.

2. Aucune circonstance exceptionnelle, quelle qu'elle soit, qu'il s'agisse de l'état de guerre ou de menace de guerre, d'instabilité politique intérieure ou de tout autre état d'exception, ne peut être invoquée pour justifier la torture.

3. L'ordre d'un supérieur ou d'une autorité publique ne peut être invoqué pour justifier la torture."

En plus de sa détention dans des conditions déplorables dans un état de santé critique, ce militant du MSD Roger Muhizi n’a eu droit à un avocat qu’un mois et demi après sa détention dans la prison centrale de Mpimba. Le Comité confirme la violation de l’article 11 de la Convention.

"Article 11: 

Tout Etat partie exerce une surveillance systématique sur les règles, instructions, méthodes et pratiques d'interrogatoire et sur les dispositions concernant la garde et le traitement des personnes arrêtées, détenues ou emprisonnées de quelque façon que ce soit sur tout territoire sous sa juridiction, en vue d'éviter tout cas de torture."

Les articles 12, 13, 14, et 16 de la Convention ont également été violés par les autorités burundaises selon le Comité Contre la Torture.

"Article 12: 

Tout Etat partie veille à ce que les autorités compétentes procèdent immédiatement à une enquête impartiale chaque fois qu'il y a des motifs raisonnables de croire qu'un acte de torture a été commis sur tout territoire sous sa juridiction."

"Article 13:

Tout Etat partie assure à toute personne qui prétend avoir été soumise à la torture sur tout territoire sous sa juridiction le droit de porter plainte devant les autorités compétentes dudit Etat qui procéderont immédiatement et impartialement à l'examen de sa cause. Des mesures seront prises pour assurer la protection du plaignant et des témoins contre tout mauvais traitement ou toute intimidation en raison de la plainte déposée ou de toute déposition faite." 

"Article 14:

1. Tout Etat partie garantit, dans son système juridique, à la victime d'un acte de torture, le droit d'obtenir réparation et d'être indemnisée équitablement et de manière adéquate, y compris les moyens nécessaires à sa réadaptation la plus complète possible. En cas de mort de la victime résultant d'un acte de torture, les ayants cause de celle-ci ont doit à indemnisation.

2. Le présent article n'exclut aucun droit à indemnisation qu'aurait la victime ou toute autre personne en vertu des lois nationales." 

"Article 16:

1. Tout Etat partie s'engage à interdire dans tout territoire sous sa juridiction d'autres actes constitutifs de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants qui ne sont pas des actes de torture telle qu'elle est définie à l'article premier lorsque de tels actes sont commis par un agent de la fonction publique ou toute autre personne agissant à titre officiel, ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite. En particulier, les obligations énoncées aux articles 10, 11, 12 et 13 sont applicables moyennant le remplacement de la mention de la torture par la mention d'autres formes de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

2. Les dispositions de la présente Convention sont sans préjudice des dispositions de tout autre instrument international ou de la loi nationale qui interdisent les peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ou qui ont trait à l'extradition ou à l'expulsion."

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Le Comité a invité le Burundi à soumettre ses observations sur la plainte de R.M à plusieurs reprises en 2017, 2019 et 2020 mais l'Etat partie n'a donné aucune suite à ces demandes d'information. Le Comité a alors constaté que le Burundi a également violé l’article 22 de la Convention à cause de ce manque de coopération. Le cas de R.M. est le dernier des 14 plaintes pour torture contre le Burundi qui ont été examinées par le Comité depuis 2014. Et selon le Comité, le Burundi avait violé ses obligations envers la Convention dans tous ces cas.

"Il s'agit d'une grave violation des obligations de l'Etat. Mais surtout, cela prive les victimes de torture de la possibilité d'obtenir réparation", a déclaré le Président du Comité Claude Heller à propos de ce cas de torture du partisan du MSD représenté par l'organisation Track Impunity Always (TRIAL).

Selon la décision, le Burundi a 90 jours pour informer le Comité contre la Torture de l'ONU des mesures qu’il aura prises pour donner suite aux observations de la décision en question.

Mais, en principe, cette décision du Comité contre la Torture de l'ONU n'a pas force obligatoire.

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lundi 27 décembre 2021

Massacres de décembre 2015 : Faut-il trop garder les yeux rivés sur la CPI?

 

Les 11 et 12 décembre 2015, certains habitants de Bujumbura ont vécu des journées et des nuits cauchemardesques. Des balles ont sifflé, certaines filles et femmes ont été violées, et les cadavres jonchaient certaines maisons et rues de la capitale. Mais, face au régime qui refuse de rendre justice, l’un des tous derniers recours des Burundais a été la Cour Pénale Internationale. Une cour de dernier recours qui, pourtant, en plus de ses nombreux défis, fonctionne au ralenti selon un analyste. (Le Mandat)

Le 7 décembre 2021, au cours du débat général de la 20ème assemblée des Etats Parties au Statut de Rome de la CPI, le président de la Coalition Burundaise pour la Cour Pénale Internationale semblait impatient de voir les auteurs des crimes répondre de leurs actesIl réclamait le lancement des mandats d’arrêt. "Les familles des victimes espèrent que l’enquête sera enfin bientôt clôturée afin de briser ce cycle d’impunité et rétablir les valeurs fondamentales et universelles partagées par l’humanité tout entière", a insisté maître Lambert Nigarura tout en signalant que les graves violations des droits de l’homme se poursuivent dans le pays même aujourd’hui. "L’espace politique reste verrouillé, les associations de la société civile indépendante ont été radiées, des radios indépendantes ont été détruites et incendiées et la liberté d’opinion n’existe plus au pays", a également déclaré le défenseur des droits de l’homme.

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Parmi les crimes qui restent impunis au Burundi figure le carnage du 11 décembre 2015. En évoquant ces massacres, la Cour Pénale Internationale parle de "l’une des opérations qui a fait plus de victimes depuis le 26 avril 2015 en réponse à l’attaque menée plus tôt le même jour contre quatre positions militaires dans Bujumbura et ses environs par des groupes d’hommes armés non identifiés". Ce jour-là, on a rapporté entre 150 et 200 morts selon la CPI qui évoque un bilan de plus de 1 200 morts pour la période allant d’avril 2015 à juin 2017.

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Au cours de la session du 7 décembre, les participants ont évoqué certains défis auxquels fait face la Cour, notamment les longues durées des examens préliminaires, le manque de budget suffisant et les problèmes de gouvernance.

Le Burundi n’est pas prioritaire

La Cour a d’autres priorités plus importantes que le dossier du Burundi, estime un analyste. "L’évolution de la situation du Burundi sur le plan politique ne permet pas non plus de lancer des mandats d’arrêt contre les hautes autorités", ajoute l’analyste qui évoque la mise en place de nouvelles institutions étatiques en juin 2020. Mais, selon l’analyste, les plaintes et les preuves devraient continuer à être déposées au sein des mécanismes judiciaires internationaux en espérant d’éventuelles poursuites peut-être dans les décennies à venir. "Il vaut mieux avoir une plainte déjà déposée quelque part que rien", conclut l’analyste.

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Depuis l'éclatement de la crise burundaise en 2015, certains Burundais soumettent leurs revendications par la voie politico-diplomatique. D'autres font recours à la justice internationale. Et les plus radicaux ont choisi la lutte armée.

Le 10 décembre dernier, au cours de la conférence de presse intitulée "Conférence de Presse : Justice pour les Victimes des territoires de Fizi, Mwenga et Uvira en RDC", maître Bernard Maingain a cité le cas du Burundi et a déclaré que "la CPI a ses dérives, ses problèmes, ses enjeux, ses problèmes de budget, ses rapports de force intérieurs.". Ce membre du collectif qui défend les victimes de la crise burundaise répondait à la question de savoir si les Banyamulenge ne pouvaient pas saisir rapidement la Cour Pénale Internationale sur les allégations de violations de leurs droits sans s'attarder sur les juridictions locales en République Démocratique du Congo.