lundi 22 mars 2021

De quoi l’Ombudsman burundais a-t-il peur ?

Photo : Site Web de l'Institution de l'Ombudsman

Il y a une semaine, Edouard Nduwimana semblait montrer au président de la République, qui planifierait la disparition de l'institution de l'ombudsman, qu'il était capable de réussir là où la justice burundaise a échoué. L'Ombudsman burundais a mis fin au conflit, qui venait de durer plus de 2 ans, entre l'entreprise Tanganyika Mining Burundi et un habitant de Murwi. Toutefois, les déclarations répétitives du Chef de l'Etat semblent faire peur à l'Ombudsman qui demande déjà "l'adaptation de la loi régissant l'institution à la situation actuelle du pays".
    

Le 22 février 2021, Edouard Nduwimana a sollicité l'intervention du président du Sénat Emmanuel Sinzohagera pour que les missions de l'institution de l'Ombudsman soient modifiées et adaptées à la situation actuelle. Les questions politiques, qui avaient conduit à la mise en place de l'institution, ne sont plus là selon l'Ombudsman Edouard Nduwimana cité par le porte-parole du président du Sénat. Le président du sénat a demandé à l'Ombudsman de préparer une proposition d'un projet de loi adapté à la situation actuelle. Ces acrobaties sont consécutives aux déclarations du président de la République. 

Déclarations du 30 décembre 2020

Au cours d'une conférence publique organisée à partir de Ngozi (Nord du pays), le président Evariste Ndayishimiye s'est demandé si, actuellement, l'institution de l'Ombudsman était nécessaire au Burundi alors que les organes étatiques accomplissaient leurs missions respectives à la grande satisfaction de la population. Evariste Ndayishimiye a repris le même discours lors de la célébration du 20ème anniversaire de la Charte de l'Unité Nationale.

Déclarations du 5 février 2021

"Ces derniers jours, on parle beaucoup de moi. On m'accuse d'avoir attaqué l'institution de l'Ombudsman. Mais dites-moi! Si les dirigeants travaillent d'une manière honnête et concilient les enfants du pays, qui saisira l'Ombudsman? Il sera parmi ces autres dirigeants mais il ne sera plus l'Ombudsman.", a déclaré Evariste Ndayishimiye ce qui ressemblait à l'abolition prochaine de l'institution.

Contre-attaque de l'Ombudsman

Le 15 mars 2021, Edouard Nduwimana a accusé certains agents du système judiciaire de ne pas faire convenablement leur travail. Et ce, en violation de l'article 146 de la Constitution, a souligné l'Ombudsman. 

"Article 146 de la Constitution du Burundi : Tous les agents de l'administration publique exercent leurs fonctions de manière à servir tous les utilisateurs des services publics de façon efficace, impartiale et équitable. Le détournement de fonds publics, la corruption, l'extorsion de fonds et les malversations sont punissables conformément à la loi"

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"Si les agents de la fonction publique faisaient leur travail en bons pères de familles, l'institution de l'Ombudsman et toutes les autres institutions chargées de la justice ou de départager les conflits auraient moins de travail à faire", a insisté Edouard Nduwimana tout en précisant que son institution recevait plus de 2500 plaintes par an. 

Ce jour-là, Edouard Nduwimana venait de convaincre Tanganyika Mining Burundi et la famille Scolastique Minani de signer un accord. L'entreprise d'exploitation d'or a accepté d'accorder un dédommagement de plus de 65 millions de francs burundais à cette famille de la commune Murwi (province Cibitoke, Nord-Ouest du Burundi) pour ses champs de thé occupés.  

L'Abolition doit passer par la Révision de la Constitution

Présente dans l'Accord d'Arusha de 2000 au Protocole 2 Article 10, 

"Accord d'Arusha, Protocole II, Article 10 : 

7. Un ombudsman indépendant est prévu par la Constitution. L’organisation et le fonctionnement de son service sont fixés par la loi. 8. L’ombudsman reçoit les plaintes et mène des enquêtes concernant des fautes de gestion et des violations des droits des citoyens commises par des agents de la fonction publique et du judiciaire et fait des recommandations à ce sujet aux autorités compétentes. Il assure également une médiation entre l’Administration et les citoyens et entre les ministères de l’Administration et joue le rôle d’observateur en ce qui concerne le fonctionnement de l’administration publique. 9. L’ombudsman dispose des pouvoirs et des ressources nécessaires pour s’acquitter de ses fonctions. Il présente chaque année un rapport à l’Assemblée nationale et au Sénat. Son rapport est publié dans le Journal officiel du Burundi. 10. L’ombudsman est nommé par l’Assemblée nationale à la majorité des trois quarts de ses membres. Sa nominaton est sujette à confirmation par le Sénat"

l'institution de l'Ombudsman est également présente dans la Constitution du Burundi qui reprend toute la formulation dans ses articles 243, 244 et 245 tout en précisant que le Sénat approuve la nomination de l'Ombudsman à la majorité de deux-tiers de ses membres et que son mandat est de six ans non renouvelable.

"L'abolition de l'institution de l'Ombudsman nécessite absolument la révision de la constitution", nous a confirmé un juriste chevronné. 

"L’institution de l’Ombudsman ne peut pas être abolie facilement, à moins que les conditions d’amendement de la constitution soient réunies", a également indiqué Désiré Ngabonziza dans son article de 2014 intitulé "La Contribution de l'institution de l'Ombudsman dans la défense des droits des citoyens au Burundi".

Or, au Burundi, l'idée de révision de la Constitution, affichée à l'approche du troisième mandat du CNDD-FDD, est parmi les principales causes de la crise à laquelle le pays peine à trouver une solution durable. De quoi faire penser à un analyste qu'il est, pour le moment, très improbable que les dirigeants actuels s'aventurent dans ces histoires d'amendement de la Constitution pour abolir l'institution de l'Ombudsman.

L'Ombudsman Edouard Nduwimana termine son mandat non renouvelable en novembre 2022.

Article similaire 👉Un Burundais de Durban accuse l'Ombudsman de l'avoir condamné à mort en 2012   

   


  

mercredi 17 mars 2021

Inhumé, exhumé, puis inhumé dans la dignité


Il est enterré dans la dignité en fin janvier au cimétière de Mukoni dans la commune Muyinga de la province Muyinga. C’est au Nord-Est du Burundi. Kenny Kabura, élève de la neuvième année au Lycée Mukoni, est tué, en cours de route, par les membres de la ligue des jeunes du parti au pouvoir, les imbonerakure, alors qu’il se dirige vers son domicile à Mukoni. Les parent et proches de Kenny souffrent beaucoup pour trouver son cadavre, ces partisans du CNDD-FDD l’ayant enterré le lendemain matin sur le lieu de l’assassinat.

L’assassinat de Kenny Kabura se commet sur la colline Ruganirwa de la zone Cumba en commune et province Muyinga. Dirigés par un certain Muvunyi, les imbonerakure de la zone Cumba interceptent Kenny Kabura qui est entrain de regagner son domicile sur la colline Mukoni vers 20 heures le vendredi, 22 janvier 2021. Ils appellent par téléphone le chef de la colline Mukoni pour lui demander s’il le connaît. Le chef de colline répond par la négative. Les membres de la jeunesse du CNDD-FDD

mercredi 10 mars 2021

Enième décès lié à la COVID-19 au Burundi

Un citadin de Bujumbura lave un masque qu'il ne devait porter qu'une seule fois  

Les agents de santé de l’hôpital de Muyinga ont pensé au test COVID-19 un peu tardivement, quelques heures seulement avant la mort de N.R surnommé Nzr. Ce natif de la colline Tangara, commune Butihinda de la province Muyinga résidait dans le quartier Swahili au chef-lieu de la province avant de rendre l’âme. Ce camionneur avait des malaises à son arrivée en provenance de la Tanzanie.
 

N.R est arrivé de la Tanzanie lundi et sa mort est survenue vendredi à l'hôpital de Muyinga. A son enterrement, samedi, la distanciation physique était obligatoire au cimetière des musulmans sur la colline Kinyota, commune et province Muyinga, au Nord du Burundi. 

Lundi, 8 février 2021 : N.R arrive à Muyinga en provenance de Dar-Es-Salam à bord d’un camion de l’entreprise Interpetrol où il travaillait comme chauffeur. Cet homme, âgé d’une quarantaine d’années, dit à ses proches qu’il sent la malaria mais il continue sa route vers Bujumbura. Il retourne le même

mardi 9 mars 2021

Que cherche l'armée burundaise au Congo?

 

Photo : far-maroc.forumpro.fr

Depuis environ une semaine, la Force de Défense Nationale du Burundi fait l'une des plus importantes incursions en République Démocratique du Congo depuis la fin du troisième mandat contesté de Pierre Nkurunziza. L’actuel président de la République du Burundi s’était, sans doute, donné un peu de temps pour y réfléchir. Huit mois après son investiture, Evariste Ndayishimiye décide alors d’opérer de la même façon que son prédécesseur.

Vers la fin du troisième mandat de Pierre Nkurunziza, les incursions de l’armée burundaise au Sud-Kivu étaient régulières, occasionnant parfois des accrochages avec les Forces Armées de la République Démocratiques du Congo, les FARDC.

En mai 2020, le président congolais aurait même donné

samedi 13 février 2021

La Commission Vérité et Réconciliation cacherait-elle la Vérité aux Journalistes ?

Membres de la CVR et la population devant une fosse commune à Muzenga-Rwankona

C’est la question que je me pose après le fiasco de la couverture médiatique lors du lancement de l’exhumation des restes des victimes de 1972 à Bururi. La Commission Vérité et Réconciliation estime que, dans cette province du sud du Burundi, il y a plus de 80 fosses communes. Mais, comme cela a été le cas lors de l’ouverture solennelle des activités dans cette province, les journalistes n’auront finalement pas l’occasion de couvrir les deux semaines d'activités d’une commission qui, elle-même, soulève la controverse. 

Le mercredi, 10 février 2021, une quinzaine de journalistes basés à Bujumbura font le départ à 7 heures du matin pour Bururi. Comme d’habitude, les membres de la CVR, eux, sont déjà sur place dès la veille. Les pluies torrentielles empêchent le minibus, qui transporte les journalistes, d’avancer normalement et ils arrivent au chef-lieu de la province Bururi vers 13 heures. C'est la CVR qui a mis le minibus à la disposition des journalistes. ‘’Nous ne comprenons pas pourquoi la CVR nous oblige à faire le départ le matin au lieu de nous laisser passer la nuit dans la province-cible’’, se lamentent certains journalistes. A l’arrivée des journalistes à Bururi, les membres de la CVR ont déjà clôturé l’activité du jour. Chaque journaliste est prié de récupérer 14400 francs de frais de mission accordés par la CVR pour la journée avant de rebrousser chemin. 

Les journalistes ont également droit aux images 

Les communicateurs de la CVR ont pris toutes les images de l’activité. Les journalistes sont priés de copier et coller les images mises à leur disposition par ces communicateurs de la Commission Vérité et Réconciliation. Mais, les journalistes ne sont pas sûrs qu’il s’agit de la totalité des images prises pendant l’activité. Certains journalistes récupèrent immédiatement les images à Moonlight Hotel au centre-ville Bururi. Mais il y en a d’autres qui refusent de recevoir les images … 

... parce qu’il s’agit d’une affaire délicate 

Certains journalistes expliquent que les affaires des fosses communes en particulier et de la justice transitionnelle en général font partie des sujets délicats. ‘’C’est un sujet délicat. Il fallait voir cela de nos propres yeux pour pouvoir traiter le sujet’’, expliquent certains journalistes. Même certains journalistes qui récupèrent les images hésitent de les publier. 

Le gouverneur de Bururi ne savait-il pas que les journalistes étaient absents ? 

Devant la caméra des communicateurs de la CVR, le gouverneur souhaite les bienvenus à toutes les personnes présentes, y compris les journalistes qui ne sont pourtant pas là. Même le vice-président de la CVR, Clément Noé Ninziza, qui sait très bien que les journalistes ne sont pas encore arrivés, ne manque pas de les évoquer dans son discours comme s’ils les voient. Le gouverneur Léonidas Bandenzamaso souhaite ensuite à la délégation de la CVR un bon travail et se dit convaincu que les témoins ‘’ne vont pas exagérer’’ mais qu’ils vont dire ‘’la vérité et rien que la vérité’’. Il demande ainsi à la population de ne pas avoir peur de témoigner. 

Les on-dit ? 

Alors que la fouille dans la fosse située sur la colline Muzenga-Rwankona de la commune Bururi est en cours, un membre de la CVR parle à une centaine de personnes présentes. ‘’Comme d’habitude, avant de déterrer les restes humains, nous appelons la population pour éviter que, ces gens qui racontent des mensonges comme quoi la CVR déterre des cimetières les restes humains et les exposent, ne doutent plus de notre travail. Donc, nous allons encore vous appeler à la fin des activités pour voir le résultat de notre travail.’’ 

Si les journalistes étaient là, ils allaient peut-être chercher plus d’éclaircissements sur ces rumeurs sur les visites des membres de la Commission Vérité et Réconciliation aux cimetières. 

Alors que l’Accord d’Arusha prévoit sa mise en place pendant la transition dirigée par l’UPRONA et le FRODEBU, la Commission Vérité et Réconciliation est créée, une dizaine d’années plus tard, le 10 décembre 2014 par le pouvoir CNDD-FDD dans des conditions controversées
Aujourd’hui, certains Burundais pensent que les conditions propices au bon fonctionnement de la CVR ne sont pas encore créées. Il y en a d’autres, comme le vice-président du FRODEBU Léonce Ngendakumana, qui estiment que la véritable CVR n'est pas encore là.