vendredi 10 septembre 2021

Burundi-RDC: Opérations militaires conjointes compliquées?

 


Le ministre burundais des affaires étrangères et de la coopération au développement a rappelé, dans une interview à la RFI, l'objectif visé lors des rencontres entre les hautes autorités de son pays et celles de la République Démocratique du Congo: "mettre hors d'état de nuire toutes les forces négatives qui pullulent dans la partie Est de la RDC, surtout le Sud-Kivu qui est frontalier avec le Burundi". 

Le déploiement d'une délégation de haut niveau en République Démocratique du Congo à partir du 30 août 2021 succédait à la visite, pour le même objectif, du chef de l'Etat burundais Evariste Ndayishimiye à son homologue congolais Félix Tschisekedi en juillet dernier.
  
Au cours de cette interview accordée à la RFI et publiée le 3 septembre, le lendemain de la clôture de la quatrième session de la grande commission burundo-congolaise, Albert Shingiro a qualifié ces rebelles visés de groupes résiduels sans agenda politique. "S'il faut organiser des patrouilles parallèles ou des opérations conjointes pour mettre hors d'état de nuire ces forces négatives dont les effets affectent négativement la vie de nos populations, nous le ferons de commun accord avec la partie de la RDC". 

Nous avons parlé au politologue Issa Ndimurwanko pour avoir plus d'éclaircissements sur les probabilités de réussite de ces conventions sécuritaires entre les deux pays. Issa Ndimurwanko a également été au maquis dans les rangs des PALIPEHUTU-FNL.

Selon vous, est-ce que les 2 chefs d'Etat ont la chance de réussir ce pari? 

Tout d’abord, la sécurité est l’absence de menace de la paix et de la sécurité interne et externe de l'État. Ce dernier est défini comme étant une seule entité souveraine qui dispose le monopole de la violence légitime, à travers ses fonctions régaliennes de sécurité notamment, l’armée et la police.

Revenons sur la question posée concernant l'entente conclue entre les chefs d’Etat burundais et congolais d’éradiquer des groupes rebelles burundais basés en République Démocratique du Congo. Ces éléments négatifs déstabilisent la paix et la sécurité de ces deux pays. Leur présence à l’Est de la RDC est le fruit de la politique d’exclusion pratiquée par le parti CNDD-FDD, au pouvoir. Depuis son ascension au pouvoir, il n’a pas voulu associer l’opposition à la gestion du pays. Il a plutôt emprunté la voie d'exclusion suivie par la disparition forcée de ses opposants, etc...

Pour les éradiquer, il faut tout d’abord une politique saine de gouvernance et de développement pour  tous : cela est la gage de la paix et de la sécurité. L’effritement de la sécurité du pays est dû au comportement de conquistador du CNDD-FDD et sa création de la milice Imbonerakure qui tue et terrorise tout opposant aux politiques de ce parti. La voie que les deux chefs d’Etat préconisent pour venir à bout à ces mouvements armés n’apportera pas de fruits escomptés.

Pour réussir ce pari, le pouvoir de Gitega a le devoir d’instaurer la politique d’égalité entre les citoyens et la sacralité de la propriété privée. Il faut tout d'abord créer un climat politique apaisé et ensuite envisager la politique de rapatriement volontaire des réfugiés. Les rangs de ces groupes armés se rétréciront comme la peau de chagrin. Au cas contraire, s’engager dans les opérations militaires conjointes ne garantit pas la paix et la sécurité du Burundi ni celle de la RDC. Par contre, la souveraineté du Congo voisin  risque d'être violée par une armée étrangère.

Rappelez-le que ces groupes rebelles tissent des liens d’amitié forts avec la population locale. La défaillance de l’Etat congolais est une pièce maîtresse au développement de groupes rebelles burundais sur son territoire. Toute opération ou intervention militaire étrangère peut être  vue par la population comme une agression violant leurs droits fondamentaux. Pour cela, cette intervention coalisée a moins de chances de réussir. Il serait sage pour les deux gouvernements d'assainir leurs politiques internes et vaquer au développement communautaire. Ce sont, en réalité, les premières opérations à envisager pour sécuriser leurs territoires et leurs frontières poreuses.

En conclusion le concept de sécurité est discutable dans les études des relations internationales car c’est un concept a plusieurs sens. La sécurité d’un État peut dépendre de la sécurité de ses voisins. C’est la raison pour laquelle des États mettent souvent ensemble leurs moyens pour garantir leurs sécurités. Pour sécuriser l’Est de la RDC, on a besoin d’efforts de trois États : le Burundi, le Rwanda et la RDC. L’absence d’un seul Etat à la quête de la sécurité d'un de ces pays pourrait vouloir dire la menace de celui qui est absent. Le projet sécuritaire initié par Félix Tschisekedi et Évariste Ndayishimiye ne réussira pas car il y a plusieurs facteurs endogènes qui doivent être analysés avant de se lancer dans les opérations militaires coûteuses en termes de coût humain et financier.

Vous avez évoqué le manque d'organisation interne pour les deux Etats: la RDC et le Burundi. Mais, en se référant sur l'histoire récente, il semblerait que les groupes rebelles burundais préfèrent s'installer en RDC. C'est ce qu'on a également constaté avec le CNDD-FDD, aujourd'hui au pouvoir, lorsqu'il combattait les régimes du Burundi. Etant ancien combattant des Forces Nationales de Libération (FNL), pouvez-vous nous donner d'autres raisons qui incitent les rebelles burundais à s'installer au Sud-Kivu?

En effet, le manque d'organisation interne des Etats est le premier facteur qui favorise l'émergence des mouvements de contestation. Ils s'organisent sur la cendre de l'absence de l'Etat. Cette absence est une opportunité en or pour des mouvements, qui en réalité, peuvent aisément s'installer, exploiter et étendre leur influence sur la population locale. Pour le cas de la RDC, c'est plus complexe, car souvent des éléments du gouvernement collaborent avec l'ennemi sans parler de la population qui intègre les rangs de celui-ci bien qu'il ne soit pas congolais.

D’autres facteurs qui charment des rebelles burundais à s’inoculer au Congo sont des éléments naturels. Le Sud-Kivu est riche en forêts, en montagnes et en richesses naturelles. Tous ces éléments séduisent des forces négatives burundaises au point où les conflits inter-burundais abrasent de facto ce grand pays. De plus, l'Est de la RDC est connu sur son abondance en source minérale et est un vaste territoire ayant des forêts et un climat tropical très doux. Les maquisards burundais utilisaient, à l’époque, l’Est de la RDC comme zone de transit des blessés.

Déloger un rebelle installé dans une forêt dont il contrôle des entrants et sortants n’est pas une mince affaire. Sachant que les antennes placées au sommet des montagnes leur donnent un avantage considérable sur leur ennemi. La richesse congolaise est un élément essentiel qui peut être analysée pour comprendre pourquoi les rebelles burundais préfèrent utiliser l'Est du Congo pour mener leurs attaques au Burundi? Plusieurs études qui se sont penchées sur l’instabilité de l’Est de la RDC ces vingt dernières années démontrent que les rebelles exploitent illégalement les ressources naturelles du pays. C’est dans cette optique que les forces négatives burundaises profitent de la faiblesse de l’Etat de Kinshasa pour s'installer à l'Est du Congo.

Si j'essaie de comprendre, les garanties financières comptent énormément pour ces groupes rebelles.

Oui, la réussite d'une organisation repose généralement sur sa capacité financière. Les causes que les mouvements rebelles défendent demandent une grande patience et résistance aux intempéries du temps. Le temps est le pire ennemi de l’homme et les rebelles sont conscients qu’ils ne peuvent être maîtres du temps sans la capacité financière. Pour satisfaire à ce besoin, ils ont choisi d'occuper le Congo [RDC]. Ce pays est devenu une vache à lait pour plusieurs acteurs militaires.

Evariste Ndayishimiye sait que la paix du Burundi est intimement liée avec la stabilité de son voisin. En d’autres  termes, l'opération conjointe est l'une des stratégies pour couper la source de financement de ces mouvements. De 1994 jusqu’à nos jours, l’Est du Congo [RDC] est devenu un terrain de combat interposant plusieurs armés. A cause de l’instabilité qui ne cessait de s’intensifier, plusieurs opérations conjointes ont été initiées pour déloger des mouvements opérant à partir du territoire congolais.  

La paix et la sécurité du Burundi dépendent de la stabilité du Congo [RDC]. L’effectivité du pouvoir central congolais sur l’ensemble de son territoire serait un élément essentiel à la stabilité ou à l’amélioration de celle de ses voisins, en particulier le Burundi. Ce dernier pourrait se réjouir de cet acquis mais il a une responsabilité de pratiquer une politique d’égalité entre ses citoyens. Même si l’Etat de Kinshasa parvenait à imposer son autorité, ce n’est pas automatique que le pouvoir de Gitega recouvre sa sécurité.

Lorsqu’un conflit armé éclate entre le gouvernement et ses opposants, les insurgés cherchent à tout prix  mettre les mains sur les zones riches en ressources naturelles. Le gouvernement doit tout faire pour garder jalousement la souveraineté de l'Etat. Sachant que l’Etat est le seul à disposer la monopole de la violence légitime. Si un élément interne conteste cette autorité suprême et que l'influence de l'Etat diminue, en ce moment, le pays entre dans une crise politique et les négociations s'imposent.

Revenons à nos  moutons. L'histoire récente nous montre comment les rebelles burundais se sont installés à l'Est du Congo [RDC] pour bien mener leurs incursions sur le Burundi. Le CNDD-FDD, actuellement au pouvoir, est l'un des mouvements burundais ayant utilisé l'Est du Congo [RDC] comme base arrière. Il a dû profiter de l'absence de l'Etat congolais et bénéficier de l'hospitalité de la population qui a, à un certain niveau, épousé sa cause. Ceux qui ont vécu dans les camps de réfugiés en Tanzanie peuvent se souvenir de comment les mobilisés étaient envoyés en RDC. Pourtant le champ d'honneur était au Burundi. Alors pourquoi devraient-ils passer par l'Est de la RDC?

La période de 1994 à 2005 est riche en histoire des mouvements armés burundais. Le début a été marqué par une réussite inestimable. Ce temps glorieux a été suivi par des échecs organisationnels marquant ainsi sa fin. Lorsque ces erreurs ont atteint leur paroxysme, on a changé de stratégies en concentrant les forces à l’Est du Congo [RDC] et dans la région Ouest du Burundi. C’était Bujumbura et les provinces environnantes qui étaient dans les lignes de mire car c’est une région riche en forêts naturelles. La capitale a connu une période d’insécurité sans précédent. Elle a encaissé tous les coups et les autorités ne pouvaient plus nier leur existence.

Ils ont asphyxié la capitale par des actes de sabotage. Des voies routières reliant la capitale Bujumbura étaient régulièrement prises en assaut. Les médias locaux comme RPA « ijwi ry’abanyagihugu » faisaient des reportages informant l’opinion nationale et internationale sur leur revendication. Pour les autorités d’alors, il était difficile de prendre la communauté internationale en otage. Par conséquent, une frange d’opinion proche du pouvoir était tannée du chaos qui régnait et demandait au gouvernement de tout faire pour mettre fin à cette situation insupportable.

Les rebelles voulaient que la communauté internationale considère leur voix dont les autorités de Bujumbura niaient sans cesse. La réalité en est que le pouvoir les connotait de "fauteurs de troubles". En effet, leurs actions ont suscité la curiosité des médias internationaux. De même, les partenaires politiques et économiques du pays cessaient de croire à la version officielle. En ce moment, on a constaté que les négociations seraient une condition sine qua non pour le retour de la paix et la sécurité au pays. Par cette logique, le CNDD-FDD est parvenu à arracher des autorités de Bujumbura la notoriété de la parole. La communauté internationale a accordé une voix aux rebelles et ils ont été considérés comme acteurs politiques à associer à la quête de la paix durable pour le Burundi.

La concentration de force sur un seul front de l’Ouest du pays entre dans les stratégies militaires. En 1998, les difficultés organisationnelles au sein de mouvements sont devenues de plus en plus inquiétantes dues aux dissensions et désertions. Pour faire face à ces défis, il fallait réorganiser les troupes et abandonner certains fronts afin de concentrer leurs forces sur un seul jugé essentiel. En ce moment précis de l’histoire de ces mouvements, les négociations battaient leur plein, donc aucun ne voulait perdre le contrôle du terrain. La guerre médiatique était disproportionnée à celle qu’on observait sur le champ de bataille.

Ceux qui ont suivi l'évolution de la guerre jusqu'à la fin des années 90 début 2000 peuvent constater que la nouvelle route de guerre était devenue le lac Tanganyika. Les combattants étaient transités par les eaux du lac malgré les risques élevés qu'ils encouraient. Les fronts du Nord et du Centre du pays avaient cessé d'exister à cause des difficultés de faire passer des combattants dans des zones contrôlées par les troupes gouvernementaux. De temps en temps avec l'appui de la population et de certains militaires pro-gouvernementaux, ils empruntaient le parc de la Ruvubu pour traverser la province de Karuzi et enfin joindre Gitega. Dans le Centre du pays, ils étaient accueillis par d'autres éléments bien équipés venus de la Kibira qui les conduisaient jusqu'à la destination finale.

Il me semble que vous vous focalisez plus sur le CNDD-FDD. Pouvez-vous nous parler des déplacements des ex-FNL de la RDC?

Le FNL ne faisait pas d’exception. Les mêmes mobiles qui ont poussé le CNDD-FDD à opérer à partir du Congo [RDC] sont aussi les mêmes pour les ex-FNL. La crise politique de 1993 a forcé une bonne partie de la population à quitter le pays pour se retrouver en RDC, en Tanzanie et ailleurs. Les deux pays sont tous voisins du Burundi et leurs géographies pourraient être exploitées par les mouvements rebelles burundais. Ils ont des forêts dont les rebelles peuvent se servir pour s'entraîner et s'abriter. Malheureusement, l’Etat tanzanien contrôle tout son territoire, aucune partie ne lui échappe. Sans son accord, il est pratiquement impossible d'utiliser son territoire. En respectant sa politique de bon voisinage, elle n’a permis à aucun mouvement rebelle burundais d’utiliser son territoire. Même si ces mouvements pouvaient tromper la vigilance des forces de l’ordre tanzanienne, ils ne l’ont pas fait pour éviter des conséquences politiques et militaires.  À ce que je sache toute tentative de vouloir utiliser les forêts tanzaniens occasionnaient des affrontements farouches. Aucun mouvement ne pourrait occuper le territoire tanzanien  ne fût-ce qu’une semaine parce que les services de renseignement, les forces de l’ordre et la population travaillent en parfaite harmonie. La présence de l'Etat tanzanien sur tout son territoire lui confère un statut d’un État fort et stable politiquement.

Les mouvements de va-et-vient des FNL entre le Burundi et le Congo [RDC] entrait dans la logique de celle des CNDD-FDD. Il utilisait le territoire congolais pour entraîner ses troupes ou s’y repliait. Mais également, il profitait de la faiblesse du gouvernement congolais pour exploiter ses richesses pour soutenir sa cause et enrichir les chefs. La province de Cibitoke étant frontalière avec le Congo [RDC] et ayant des liens familiaux avec l’Est facilitait la traversée des hommes appartenant aux FNL. Certains jeunes de Cibitoke pouvaient rejoindre les rangs sans aucune inquiétude car ils partaient comme marchands et les forces de l’ordre des deux pays étaient dans l’impossibilité de les démasquer.

Comme dit précédemment, les mouvements ont abandonné certains fronts, ce qui était le cas pour les FNL aussi. Le front du Nord avec la base arrière de Rumandari a été abandonné au profit de celui de l'Ouest du pays. Plusieurs tentatives ont connu de résistance de l'armée nationale que ce soit les attaques menées à partir de la province de Muyinga, de Cankuzo et de Ruyigi, toutes essuyaient des échecs cuisants. La perte du front du Nord pour les FNL est vue comme un échec total. Celle-ci les a affaiblis politiquement et militairement même si certains chefs ne pourront pas partager cet avis. Plusieurs membres du PALIPEHUTU et les combattants du FNL se sont enrôlés dans le mouvement CNDD-FDD à l'époque.

Tout compte fait, les deux mouvements majeurs armés burundais : CNDD-FDD et FNL ont opéré à partir du territoire congolais. Ce qui attirait ces mouvements à s’installer à l’Est de la RDC au lieu de la Tanzanie sont l'absence des fonctions régaliennes de sécurité capables d’assurer la paix et la sécurité du pays. L’absence d’une armée et d'une police digne de nom en République Démocratique du Congo a favorisé l'exploitation de la richesse du pays et l'occupation des forêts et des montagnes à leur guise. 

Voilà les raisons qui me semblent réelles et valables qui ont, en effet, été une opportunité en or pour l'utilisation du territoire congolais sans aucune crainte.

A lire aussi : 

Que cherche l'armée burundaise au Congo?

Le Chef d'Etat-major du RED-Tabara capturé sans résistance

jeudi 12 août 2021

LONA : Le duo Christian-Kefa au cœur des magouilles financières ?

 

Ils sont suspectés d’avoir illégalement amassé des millions de francs burundais à travers l’agrément des sociétés de jeux de hasard ces deux dernières années selon nos sources. Aujourd’hui, Christian Nkurunziza et Kefa Nibizi, respectivement directeur général et directeur commercial de la Loterie Nationale du Burundi, ne savent pas ce qui les attend au bout des enquêtes commanditées par la présidence de la République.

L’ordre serait venu directement du président de la République selon nos sources. Après avoir ordonné la suspension temporaire de toutes les maisons des jeux de hasard le 16 juin dernier, nos sources signalent qu’Evariste Ndayishimiye aurait ensuite ordonné la mise en place d’une commission ad hoc dirigée par le chef du Service National de Renseignement, le général Ildephonse Habarurema, pour enquêter sur les actes de corruption et de détournements de fonds dont seraient responsables les hautes autorités de la LONA Christian Nkurunziza et Kefa Nibizi à travers leur collaboration avec les sociétés qui opèrent dans ce secteur des jeux de hasard.

mardi 29 juin 2021

La Commission Nationale des Droits de l'Homme retrouve le Statut A.

C'est sur son compte Twitter que la Commission des Droits de l'Homme du Burundi a annoncé dans la soirée de lundi qu'elle venait de retrouver le Statut A. L'information a été confirmée par nos sources. Le président de la CNIDH en a profité pour remercier les organisations nationales et internationales pour leur soutien. 

Les Nations Unies, l'Union Africaine, l'Alliance Globale des Institutions Nationales des Droits de l'Homme ainsi que les Partenaires Techniques et Financiers font partie de ceux que Sixte Vigny Nimuraba a remerciés après avoir appris que la CNIDH venait de retrouver le Statut A négocié depuis quelques mois.

Le Statut A permet à la CNIDH de revenir dans la catégorie des institutions des droits de l'homme qui respectent totalement les Principes de Paris. La Commission Nationale des Droits de l'Homme a désormais les droits de participation indépendants au Conseil des droits de l'homme des Nations Unies, à ses organes subsidiaires et à certains organes et mécanismes de l'Assemblée générale. La CNIDH est également éligible pour devenir membre à part entière de l'Alliance Globale des Institutions des Droits de l'Homme, y compris le droit de vote et d'occuper des postes de gouvernance. 

La montée en grade de la CNIDH est une décision politique qui n'a rien à voir avec le mérite, réagit un analyste sans faire d'autres commentaires.  

A lire aussi La chasse au Statut A : De quel arsenal dispose la CNIDH?

samedi 26 juin 2021

Le décès du Général Cyrille dévérouillera-t-il la libération des "putschistes" ?

Crédit Photo : RTNB Prison de Gitega, 1er septembre 2020
Les facilitateurs voulaient que ces "putschistes" de 2015 soient libérés à la fin de l’année 2020. Mais, la position jugée radicale du Général Major Cyrille Ndayirukiye aurait constitué l’un des obstacles majeurs de la libération de ces condamnés de la prison centrale de Gitega. Environ deux mois après la mort de cet officier de l’ancienne armée régulière, la carte de la libération serait désormais jouable. (Info Le Mandat)

La facilitation menée par des leaders religieux et de hauts cadres du parti au pouvoir serait à une étape très avancée. Ces facilitateurs avaient souhaité que la libération de ces "putschistes" de 2015 soit effective à la fin de l’année 2020 selon nos sources. Ces dernières précisent que cela s'inscrit dans le cadre de la campagne du régime en place de tenter de redorer son blason pour regagner la confiance de certains partenaires importants étant donné que la plupart de ces condamnés de Gitega nient avoir participé d’une manière ou d’une autre à ce coup-d’Etat manqué de mai 2015. Malgré la hâte d'essayer de soigner son image auprès des partenaires, le système CNDD-FDD aurait voulu que les "putschistes" demandent d’abord pardon. C’est dans cette optique que, suite à la proposition des facilitateurs, une dizaine de ces condamnés auraient, au départ, rédigé une correspondance au chef de l’Etat pour solliciter sa clémence. L’idée à laquelle auraient ensuite adhéré les "putshistes" en détention excepté le général Cyrille Ndayirukiye qui l’a catégoriquement rejetée selon nos sources proches du dossier. "Comme il le faisait devant les juges, Général Major Cyrille Ndayirukiye assumait sans complexe sa responsabilité dans le putsch manqué du 13 mai 2015, même en prison. Pas question de solliciter la clémence du président Evariste Ndayishimiye". La position du Général Cyrille compliquait le processus de libération et mettait, par conséquent, les autres "putschistes" dans une position de faiblesse. Les démarches pour porter plainte au niveau de la Cour de Justice Est-Africaine auraient été abandonnées par la suite selon nos sources. Est survenu ensuite le décès du général major Cyrille Ndayirukiye le 24 avril 2021.

 

Simulation à la COVID-19 ?

 

Deux jours après le décès du général Cyrille, les rumeurs sur la contamination à la COVID-19 dans les cellules des "putschistes" ont commencé à circuler. Les dépistages ont ensuite été effectués vers la fin du mois d’avril pour ces "putschistes" qui ne sont plus autorisé à recevoir des visites familiales depuis mars 2020. Certains affirment avoir subi des tests à la COVID-19 plus précisément le 28 avril dernier. "C’est un docteur du gouvernement, qui était chargé de les traiter au cours de cette période, qui leur aurait proposé de se faire dépister parce qu’ils étaient enrhumés", signale un proche de l’un des "putschistes". Après le dépistage, seuls ceux qui étaient très proches du général Cyrille Ndayirukiye ont été testés "positifs à la COVID-19". Il s’agit de Major Rénovat Nduwayo qui partageait la même chambre avec Général Cyrille, Général de Brigade Prime Ngowenubusa auquel s’était appuyé Général Cyrille pour éviter de tomber le jour de sa mort et Capitaine Barnabé Barimbereyimana qui était souvent avec Général Cyrille.


"Et si la COVID-19 a été évoquée pour décourager toute tentative d'exploitation d’autres pistes sur les causes du décès du général Cyrille Ndayirukiye ?", se demandent certaines sources qui disent ne pas comprendre pourquoi le dépistage à la COVID-19 a été effectué uniquement durant cette période et seulement chez les "putschistes" en ignorant tout le reste de la prison centrale de Gitega.

 

Quoi qu’il en soit, comme il y a eu une condamnation définitive où cette vingtaine de "putschistes" ont écopé d’une peine de servitude pénale à perpétuité chacun, c’est la grâce présidentielle et l’amnistie qui restent à leur portée, signale un juriste.

 

Parallèlement à cette campagne de "séduction" vis-à-vis des partenaires étrangers, le système CNDD-FDD serait entrain de négocier la levée des sanctions européennes qui pèsent sur son ministre de l'intérieur, du développement communautaire et de la sécurité publique Gervais Ndirakobuca alias Ndakugarika. 

lundi 21 juin 2021

Qui sauvera le Campus Mutanga des viols et des tabassages nocturnes ?

Crédit Photo : Ikiriho
La plupart des étudiants sont au courant. Les étudiantes aussi. Quelques autorités rectorales le savent également. Certains enseignants, les veilleurs, quelques membres du personnel de l’Université du Burundi et nous savons que le campus Mutanga se transforme en champ de viols et de tabassages pendant la nuit, surtout à partir de 23 heures. C’est une situation qui vient de durer environ deux ans. Aujourd’hui, certaines sources ont décidé de rompre le silence. (Info Le Mandat)

A 21 heures, toutes les entrées du campus Mutanga sont fermées à l’exception de l’entrée principale qui donne sur le boulevard de l’UPRONA juste en traversant l’avenue de l’UNESCO. A partir de cette heure bien précise, personne n’entre dans le campus en passant par le boulevard Mwezi Gisabo, l’ancien boulevard du 28 novembre. Personne n’entre non plus par la neuvième année du quartier Nyakabiga 3. C’est l’horaire qui s’applique depuis des mois. Certains étudiants connaissent déjà cet horaire. Mais les planificateurs des viols et des passages à tabac en savent trop.

La chasse commence à partir de 23 heures

Certains imbonerakure gardent l’entrée principale à partir de 23 heures. Tous les veilleurs de nuit du campus Mutanga sont écartés. Comme toutes les autres entrées sont fermées, les étudiants et les étudiantes, surtout ceux et celles qui prennent le repas du soir à l’extérieur du campus Mutanga, passent par l’entrée principale pour regagner leurs chambres respectives. Malheureusement, ils doivent d’abord être « corrigés » par leurs pairs, militants du CNDD-FDD, les imbonerakure. Subissent également le même sort certains étudiants et étudiantes de l'Université du Burundi qui se déplacent à l’intérieur du campus après 23 heures. La plupart de ceux qui se déplacent à l’intérieur du campus, surtout en provenance des salles d’études, sont interceptés par d’autres imbonerakure qui prennent position aux alentours de la salle de télévision. La « correction » est très violente et chez les garçons et chez les filles.

Pour les garçons, le passage à tabac et une "amende" 

Nos sources nous expliquent que les garçons sont conduits derrière les Tropicana pour être sérieusement tabassés. Ils sont ensuite embarqués dans un véhicule de Boniface Nzohabonayo pour les conduire ensuite vers les cachots du Bureau Spécial de Recherche « BSR ». Mais chaque étudiant arrêté doit payer 20 mille francs burundais, signalent toujours nos sources. Ceux qui paient cet argent sont libérés le lendemain après avoir passé une nuitée au BSR selon nos sources qui précisent que l'argent va directement chez le prénommé Boniface, l'adjoint du chargé de la sécurité. Ceux qui ne s’acquittent pas immédiatement de cette "amende" doivent s’arranger pour le faire le plus tôt possible pour bénéficier de cette libération. « Le matin, j’ai vu un policier du BSR venir me dire de partir. Il avait, dans sa main, la liste des personnes à libérer. Parmi elles, il y avait d’autres étudiants résidant au campus Mutanga », rapporte un étudiant qui a déjà passé la nuit au BSR. « Après m’avoir passé à tabac, ces étudiants qui font la ronde nocturne au campus Mutanga m’ont demandé de payer 20 mille francs pour ne pas être accusé d’avoir perturbé la sécurité dans le campus », ajoute l’étudiant qui signale qu’il n’a pas hésité une seconde pour payer sa libération. Nos sources expliquent que le chauffeur qui conduit les étudiants dans les cachots est un certain Jean Marie et qu’à bord du véhicule, il y a toujours deux policiers. C'est Boniface qui donne tous les ordres y relatifs selon nos sources.

Pour les filles, le viol 

Une étudiante affirme qu'elle n’est plus retournée vivre dans le campus après avoir été violée par ces imbonerakure. Elle réside actuellement dans l’un des quartiers périphériques du campus Mutanga. « C’était vers 23 heures. Je venais de manger dans l’un des restaurants de Nyakabiga. Lorsque j’ai passé le portail, ces étudiants imbonerakure, qui avaient des gourdins dans les mains, m’ont attrapée et m’ont emmenée derrière les Trop. Ils m’ont violée à tour de rôle. Ils étaient au nombre de 5. Quand ils m’ont relâchée, j’étais très épuisée mais je n’ai pas dormi dans le campus ce jour-là », raconte l’étudiante qui semble péser ses mots. La fille signale aussi que ce jour-là, ces militants du CNDD-FDD l’avaient frappée surtout au niveau du visage. Ces actes de viols datent de longtemps selon nos sources au campus Mutanga. Une autre étudiante affirme avoir été violée au début de l'année 2020 dans le campus Mutanga. 

La plupart des étudiantes attrapées pendant la nuit sont violées par les imbonerakure, signalent nos sources. Selon elles, les victimes sont principalement choisies parmi les nouvelles étudiantes qui commencent la première année. Ces imbonerakure guettent tous les mouvements de la plupart de ces jeunes filles du BAC 1. Ce sont des cibles faciles, indiquent nos sources.

Les veilleurs parmi les victimes

Durant leurs opérations nocturnes, ces imbonerakure combattent quiconque s’interpose. Même leur patron Boniface. Alors qu’ils étaient entrain de passer à tabac un veilleur, Boniface a tenté d’intervenir et ils se sont retournés contre lui et ont commencé à le tabasser également. C’était vers 2 heures, dans la nuit du 4 au 5 juin dernier selon nos sources dans le campus Mutanga.

Un autre veilleur passé à tabac par ces imbonerakure a récemment dépensé plus de 5 millions de francs burundais pour couvrir ses soins médicaux selon d’autres sources bien informées.

D’autres victimes sont des militants de l’opposition

Actuellement, les plus visés sont des militants du Congrès National pour la Liberté, CNL, d’Agathon Rwasa. Pendant la nuit, ces imbonerakure sortent parfois certains militants de l'opposition de leurs chambres pour les passer à tabac et les jeter ensuite dans les cachots du BSR en complicité avec Boniface, expliquent nos sources.

« Vous n’avez pas besoin de sortir de votre chambre pour qu’ils te malmènent. Lorsque tu te fais remarquer dans des activités politiques d’un parti de l’opposition, surtout le CNL, vous devez vous préparer à être malmené un jour. »

A la tête des imbonerakure du campus 

Le chef de file de ces imbonerakure est un certain Désiré Nahimana, étudiant en Baccalauréat 2, à l’Institut Supérieur de Commerce « ISCO ». Certains étudiants tremblent quand son nom est évoqué, indique l’une de nos sources. L’autre responsable des imbonerakure qui dirige ces viols et passages à tabac nocturnes c’est un certain Félicien surnommé D.J. C’est, en fait, un Disc Jockey qui anime les soirées principalement au Snack-Bar Ingo Club et Jackmatt. Comme il rentre toujours dans les heures avancées de la nuit, Félicien escalade souvent la clôture, côté ouest du campus, pour rentrer à l’intérieur, signale l’une de nos sources. Certains étudiants ne comprennent pas pourquoi l’imbonerakure Félicien réside toujours à l'intérieur du campus Mutanga alors qu’il a déjà terminé ses études dans la Faculté des Sciences Economiques et de Gestion.

Même s'il parle de cas isolés, OPC1 Gaston Uwimana, chef du service de sécurité et d'encadrement civique à l'université du Burundi sait que le campus Mutanga se transforme en enfer pendant la nuit selon une interview accordée au groupe de presse Iwacu il y a presqu'une année. Son adjoint Boniface participe dans ces opérations de terreur de la nuit au sein du campus Mutanga selon nos sources. 

Nous n'avons pas encore réussi à joindre le recteur de l'université du Burundi Pr.Dr.Ir Sanctus Niragira. Mais ses prédécesseurs Gaspard Banyankimbona et François Havyarimana n'ont pas pu arrêter ces viols et passages à tabac nocturnes signalés au campus Mutanga.