mercredi 29 décembre 2021

Burundi-ONU : Le régime a 3 mois pour s’expliquer sur la torture de Roger Muhizi

Il est parmi les militants du Mouvement pour la Solidarité et la Démocratie (MSD) qui ont extrêmement souffert en détention à Bujumbura. Blessé par balles lors de l’attaque de la permanence nationale de son parti par les forces de sécurité le 8 mars 2014, Roger Muhizi a été arrêté le lendemain pour ensuite passer des années "sans permission" de se faire soigner. Selon le Comité des Nations Unies Contre la Torture, le gouvernement du Burundi a violé plusieurs dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. (Le Mandat)

L’administration des coups de crosses de fusils et de matraques à Roger Muhizi déjà blessé par balles, le refus aux soins de santé pendant plusieurs heures, les insultes, les intimidations, ainsi que le refus d’octroi du dossier médical font partie des éléments constitutifs de torture au sens de l’article 1 de la Convention selon le Comité Contre la Torture qui ajoute que ces coups lui infligés par des agents étatiques ont occasionné, chez la victime, des douleurs et souffrances aiguës, y compris des souffrances morales et psychologiques.

"Article 1: 

1. Aux fins de la présente Convention, le terme "torture" désigne tout acte par lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont intentionnellement infligées à une personne aux fins notamment d'obtenir d'elle ou d'une tierce personne des renseignements ou des aveux, de la punir d'un acte qu'elle ou une tierce personne a commis ou est soupçonnée d'avoir commis, de l'intimider ou de faire pression sur elle ou d'intimider ou de faire pression sur une tierce personne, ou pour tout autre motif fondé sur une forme de discrimination quelle qu'elle soit, lorsqu'une telle douleur ou de telles souffrances sont infligées par un agent de la fonction publique ou toute autre personne agissant à titre officiel ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite. Ce terme ne s'étend pas à la douleur ou aux souffrances résultant uniquement de sanctions légitimes, inhérentes à ces sanctions ou occasionnées par elles.

2. Cet article est sans préjudice de tout instrument international ou de toute loi nationale qui contient ou peut contenir des dispositions de portée plus large."

Le Comité Contre la Torture indique aussi que l’Etat partie n’a pris aucune mesure pour protéger la victime et sanctionner ces actes de torture malgré les plaintes. Dans sa décision publiée le 21 décembre, le Comité conclut à une violation de l’alinéa 1 de l'article 2 de la Convention.

"Article 2: 

1. Tout Etat partie prend des mesures législatives, administratives, judiciaires et autres mesures efficaces pour empêcher que des actes de torture soient commis dans tout territoire sous sa juridiction.

2. Aucune circonstance exceptionnelle, quelle qu'elle soit, qu'il s'agisse de l'état de guerre ou de menace de guerre, d'instabilité politique intérieure ou de tout autre état d'exception, ne peut être invoquée pour justifier la torture.

3. L'ordre d'un supérieur ou d'une autorité publique ne peut être invoqué pour justifier la torture."

En plus de sa détention dans des conditions déplorables dans un état de santé critique, ce militant du MSD Roger Muhizi n’a eu droit à un avocat qu’un mois et demi après sa détention dans la prison centrale de Mpimba. Le Comité confirme la violation de l’article 11 de la Convention.

"Article 11: 

Tout Etat partie exerce une surveillance systématique sur les règles, instructions, méthodes et pratiques d'interrogatoire et sur les dispositions concernant la garde et le traitement des personnes arrêtées, détenues ou emprisonnées de quelque façon que ce soit sur tout territoire sous sa juridiction, en vue d'éviter tout cas de torture."

Les articles 12, 13, 14, et 16 de la Convention ont également été violés par les autorités burundaises selon le Comité Contre la Torture.

"Article 12: 

Tout Etat partie veille à ce que les autorités compétentes procèdent immédiatement à une enquête impartiale chaque fois qu'il y a des motifs raisonnables de croire qu'un acte de torture a été commis sur tout territoire sous sa juridiction."

"Article 13:

Tout Etat partie assure à toute personne qui prétend avoir été soumise à la torture sur tout territoire sous sa juridiction le droit de porter plainte devant les autorités compétentes dudit Etat qui procéderont immédiatement et impartialement à l'examen de sa cause. Des mesures seront prises pour assurer la protection du plaignant et des témoins contre tout mauvais traitement ou toute intimidation en raison de la plainte déposée ou de toute déposition faite." 

"Article 14:

1. Tout Etat partie garantit, dans son système juridique, à la victime d'un acte de torture, le droit d'obtenir réparation et d'être indemnisée équitablement et de manière adéquate, y compris les moyens nécessaires à sa réadaptation la plus complète possible. En cas de mort de la victime résultant d'un acte de torture, les ayants cause de celle-ci ont doit à indemnisation.

2. Le présent article n'exclut aucun droit à indemnisation qu'aurait la victime ou toute autre personne en vertu des lois nationales." 

"Article 16:

1. Tout Etat partie s'engage à interdire dans tout territoire sous sa juridiction d'autres actes constitutifs de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants qui ne sont pas des actes de torture telle qu'elle est définie à l'article premier lorsque de tels actes sont commis par un agent de la fonction publique ou toute autre personne agissant à titre officiel, ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite. En particulier, les obligations énoncées aux articles 10, 11, 12 et 13 sont applicables moyennant le remplacement de la mention de la torture par la mention d'autres formes de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

2. Les dispositions de la présente Convention sont sans préjudice des dispositions de tout autre instrument international ou de la loi nationale qui interdisent les peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ou qui ont trait à l'extradition ou à l'expulsion."

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Le Comité a invité le Burundi à soumettre ses observations sur la plainte de R.M à plusieurs reprises en 2017, 2019 et 2020 mais l'Etat partie n'a donné aucune suite à ces demandes d'information. Le Comité a alors constaté que le Burundi a également violé l’article 22 de la Convention à cause de ce manque de coopération. Le cas de R.M. est le dernier des 14 plaintes pour torture contre le Burundi qui ont été examinées par le Comité depuis 2014. Et selon le Comité, le Burundi avait violé ses obligations envers la Convention dans tous ces cas.

"Il s'agit d'une grave violation des obligations de l'Etat. Mais surtout, cela prive les victimes de torture de la possibilité d'obtenir réparation", a déclaré le Président du Comité Claude Heller à propos de ce cas de torture du partisan du MSD représenté par l'organisation Track Impunity Always (TRIAL).

Selon la décision, le Burundi a 90 jours pour informer le Comité contre la Torture de l'ONU des mesures qu’il aura prises pour donner suite aux observations de la décision en question.

Mais, en principe, cette décision du Comité contre la Torture de l'ONU n'a pas force obligatoire.

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lundi 27 décembre 2021

Massacres de décembre 2015 : Faut-il trop garder les yeux rivés sur la CPI?

 

Les 11 et 12 décembre 2015, certains habitants de Bujumbura ont vécu des journées et des nuits cauchemardesques. Des balles ont sifflé, certaines filles et femmes ont été violées, et les cadavres jonchaient certaines maisons et rues de la capitale. Mais, face au régime qui refuse de rendre justice, l’un des tous derniers recours des Burundais a été la Cour Pénale Internationale. Une cour de dernier recours qui, pourtant, en plus de ses nombreux défis, fonctionne au ralenti selon un analyste. (Le Mandat)

Le 7 décembre 2021, au cours du débat général de la 20ème assemblée des Etats Parties au Statut de Rome de la CPI, le président de la Coalition Burundaise pour la Cour Pénale Internationale semblait impatient de voir les auteurs des crimes répondre de leurs actesIl réclamait le lancement des mandats d’arrêt. "Les familles des victimes espèrent que l’enquête sera enfin bientôt clôturée afin de briser ce cycle d’impunité et rétablir les valeurs fondamentales et universelles partagées par l’humanité tout entière", a insisté maître Lambert Nigarura tout en signalant que les graves violations des droits de l’homme se poursuivent dans le pays même aujourd’hui. "L’espace politique reste verrouillé, les associations de la société civile indépendante ont été radiées, des radios indépendantes ont été détruites et incendiées et la liberté d’opinion n’existe plus au pays", a également déclaré le défenseur des droits de l’homme.

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Parmi les crimes qui restent impunis au Burundi figure le carnage du 11 décembre 2015. En évoquant ces massacres, la Cour Pénale Internationale parle de "l’une des opérations qui a fait plus de victimes depuis le 26 avril 2015 en réponse à l’attaque menée plus tôt le même jour contre quatre positions militaires dans Bujumbura et ses environs par des groupes d’hommes armés non identifiés". Ce jour-là, on a rapporté entre 150 et 200 morts selon la CPI qui évoque un bilan de plus de 1 200 morts pour la période allant d’avril 2015 à juin 2017.

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Au cours de la session du 7 décembre, les participants ont évoqué certains défis auxquels fait face la Cour, notamment les longues durées des examens préliminaires, le manque de budget suffisant et les problèmes de gouvernance.

Le Burundi n’est pas prioritaire

La Cour a d’autres priorités plus importantes que le dossier du Burundi, estime un analyste. "L’évolution de la situation du Burundi sur le plan politique ne permet pas non plus de lancer des mandats d’arrêt contre les hautes autorités", ajoute l’analyste qui évoque la mise en place de nouvelles institutions étatiques en juin 2020. Mais, selon l’analyste, les plaintes et les preuves devraient continuer à être déposées au sein des mécanismes judiciaires internationaux en espérant d’éventuelles poursuites peut-être dans les décennies à venir. "Il vaut mieux avoir une plainte déjà déposée quelque part que rien", conclut l’analyste.

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Depuis l'éclatement de la crise burundaise en 2015, certains Burundais soumettent leurs revendications par la voie politico-diplomatique. D'autres font recours à la justice internationale. Et les plus radicaux ont choisi la lutte armée.

Le 10 décembre dernier, au cours de la conférence de presse intitulée "Conférence de Presse : Justice pour les Victimes des territoires de Fizi, Mwenga et Uvira en RDC", maître Bernard Maingain a cité le cas du Burundi et a déclaré que "la CPI a ses dérives, ses problèmes, ses enjeux, ses problèmes de budget, ses rapports de force intérieurs.". Ce membre du collectif qui défend les victimes de la crise burundaise répondait à la question de savoir si les Banyamulenge ne pouvaient pas saisir rapidement la Cour Pénale Internationale sur les allégations de violations de leurs droits sans s'attarder sur les juridictions locales en République Démocratique du Congo. 



vendredi 24 décembre 2021

Adhésion à l’EAC : la RDC doit patienter encore un peu

Les Etats membres de l’EAC dont le Burundi soutiennent l’adhésion de la République Démocratique du Congo à cette communauté. Après l’évaluation de l’état d’avancement des procédures d’adhésion ce mercredi au cours du 18ème sommet extraordinaire des Chefs d’Etat, la RDC devrait devenir membre de cette communauté dès l’année prochaine.

"Le point clé de notre délibération d’aujourd’hui était d’évaluer l’état d’avancement de l’aspiration de nos frères et sœurs de la République Démocratique du Congo à nous rejoindre dans la Communauté Est-Africaine", a précisé le président kenyan Uhuru Kenyatta au cours du 18ème sommet extraordinaire des Chefs d’Etat, tenu virtuellement ce mercredi. Selon ce président en exercice du sommet des chefs d’Etat l’EAC, l’étape franchie sur cette question est non seulement un succès mais aussi une opportunité pour cette communauté.

Le sommet avait l’objectif d’entendre les positions des Etats membres après la présentation du rapport du conseil des ministres sur la mission de vérification de l’intégration de la RDC à l’East African Community.

Lorsqu’il a pris la parole, le président ougandais Yoweri Kaguta Museveni a indiqué qu’il était très content de voir qu’ils venaient d’approuver le processus d’adhésion de la République démocratique du Congo dans leur communauté. "Comme je l’ai dit dans la réunion à huis clos, le Congo fait partie de l’Afrique de l’Est historiquement, surtout la partie Est de la RDC. Ils parlent Swahili, il y a les mêmes tribus qu’ici. C’est le colonialisme qui a placé le Congo dans une autre région", a lancé le président ougandais.

De son côté, le président rwandais se dit impatient :"Le Rwanda salue l’étape franchie en ce qui concerne l’adhésion de la République Démocratique du Congo à la Communauté Est-Africaine. Nous attendons avec impatience la conclusion rapide des procédures d’adhésion restantes".

La présidente de la Tanzanie Samia Suluhu Hassan a également dit que son pays est favorable à l’adhésion de la RDC à l’East African Community. "Nous avons examiné le rapport de la mission de vérification sur l'état de préparation de la RDC à rejoindre la communauté et nous avons donné des directives qui accéléreront la finalisation du processus restant".

Le Sud-Soudan, représenté par son ministre des affaires de l’EAC Deng Alor Kuol, veut une rapide adhésion de la RDC tout comme le Burundi, représenté par le vice-président de la République Prosper Bazombanza. "Le Burundi a pris bonne note de la conclusion et de l'observation de l'équipe de vérification de la demande d'intégration de la RDC à l'EAC et plaide pour son adhésion dans la communauté".

Au cours de ce 18ème sommet extraordinaire des Chefs d’Etats, le secrétaire général de la Communauté Est-Africaine Peter Mathuki a précisé qu’ils ont accompli 70% des activités prévues pour l’adhésion de la RDC à l’EAC. "Concernant la vérification de l'adhésion de la RDC, suite à vos directives et au soutien du conseil des ministres, j'ai le plaisir d'annoncer que vous avez entrepris 7 des 10 étapes convenues et que maintenant nous avons progressé", a déclaré Peter Mathuki.

Les étapes restantes pour l’adhésion de la RDC ont été confiées par le sommet des Chefs d’Etat au conseil des ministres. Ce conseil est chargé de démarrer et de conclure rapidement les négociations avec la République Démocratique du Congo et de présenter le rapport au prochain sommet prévu l’année prochaine. C’est au cours de l’année 2022 donc que l’adhésion de la RDC à la Communauté Est-Africaine devrait avoir lieu. Les Etats membres de l’EAC estiment que l’adhésion attendue en 2022 de ce pays de plus de 100 millions d’habitants permettra à la Communauté de se développer davantage surtout sur le plan économique.

Source: RPA 



vendredi 17 décembre 2021

Le Royaume-Uni maintient les sanctions contre le Burundi.

Le Royaume-Uni vient de prolonger d’une année les sanctions contre le gouvernement du Burundi et ses hautes autorités. Ces sanctions, qui trouvent leur origine au sein de celles imposées par l’Union Européenne à l’égard de certaines hautes personnalités, excluent l’exigence au gouvernement du Burundi de négocier avec ses opposants politiques. (Le Mandat)

Ces sanctions, qui sont en vigueur depuis ce mardi, 14 décembre 2021, confèrent au secrétaire d'État du Royaume-Uni le pouvoir de désigner des Burundais qui sont ou ont été impliqués dans certaines activités. Les personnes désignées peuvent être exclues du Royaume-Uni et peuvent faire l'objet de sanctions financières, y compris le gel de leurs fonds et de leurs ressources économiques. Le Royaume-Uni explique que c’est pour encourager le gouvernement du Burundi à respecter les principes et institutions démocratiques, l'Etat de droit et la bonne gouvernance, s'abstenir de politiques ou d'activités qui répriment la société civile, se conformer au droit international des droits de l'homme et respecter les droits de l'homme, y compris en particulier, respecter le droit à la vie des personnes au Burundi, le droit des personnes à ne pas être soumises à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, dans le cadre du viol, d'autres formes de violence sexuelle et de violence sexiste ; le droit à la liberté et à la sécurité des personnes, y compris le droit de ne pas être arrêté arbitrairement, détenu ou victime de disparition forcée ; les droits des journalistes, défenseurs des droits humains et autres personnes au Burundi à la liberté d'expression et de réunion pacifique.

Les négociations avec les opposants politiques sont exclues

Ces sanctions remplacent celles qui étaient en vigueur depuis le 31 décembre 2020. Ces dernières exigeaient également du gouvernement du Burundi la participation de bonne foi aux négociations avec ses opposants politiques pour parvenir à une solution pacifique à la situation politique. Cette exigence a été supprimée dans les sanctions actuelles à la suite du changement de Président au Burundi après les élections de mai 2020. Le Royaume-Uni supprime également les critères de désignation des personnes associés à cet objectif.

Après son retrait de l’Union Européenne, le Royaume-Uni a abrogé le régime des sanctions imposées par l'Union Européenne au Burundi depuis 2015 pour mettre en place ses propres sanctions plus ou moins similaires. Lors du briefing de mercredi au Conseil de sécurité sur le Bureau régional des Nations Unies pour l'Afrique centrale, l’ambassadeur britannique James Roscoe a déclaré que son gouvernement salue les efforts déployés par le gouvernement du Burundi pour renouer avec la communauté internationale et faire preuve d'un plus grand engagement en faveur des droits de l'homme. "A cette fin, nous continuons d'exhorter le gouvernement du Burundi à collaborer avec les mécanismes de surveillance des droits de l'homme des Nations Unies, y compris le nouveau rapporteur spécial pour les droits de l'homme, et à veiller à ce que les besoins et les droits des réfugiés, des autres personnes déplacées et des communautés d'accueil soient reconnus.’’

Le Royaume-Uni, qui maintient les sanctions contre le Burundi, est constitué de l’Angleterre, l’Ecosse, le Pays de Galles et l’Irlande du Nord. 

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jeudi 2 décembre 2021

L’accord, qui sanctionne le Burundi, décroche encore "sept mois" de survie

Albert Shingiro, ministre burundais des affaires étrangères (à gauche) & 
Claude Bochu, ambassadeur de l'Union Européenne au Burundi (à droite) lors du dialogue Burundi-UE en février 2021
  

Ce n'est pas facile de parier sur la date exacte d’expiration de l’accord de Cotonou après cette troisième prolongation des délais. L’Union Européenne (UE) et l’Organisation des Etats d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (OEACP) accordent encore sept mois au maximum à cet accord qui a suspendu, au cours des cinq dernières années, une grande partie des 432 millions d’Euros du 11ème Fonds Européen de Développement destinés au Burundi.

C’est ce vendredi 26 novembre 2021 que l’échéance de l’expiration de l’accord de Cotonou, qui était programmée pour le 30 novembre 2021, a été repoussée pour la troisième fois jusqu'au 30 juin 2022 par le comité des ambassadeurs ACP-UE, l’organe actuellement habilité à arrêter des mesures transitoires. Selon la décision, l’application de l’accord de Cotonou prendra fin avec l’entrée en vigueur d’un nouvel accord ou par l’application provisoire du nouvel accord entre l’Union Européenne et les Etats ACP. En attendant que le nouvel accord dit post-Cotonouqui a déjà été paraphé par les négociateurs en chef en mi-avril 2021,  soit signé par les deux parties, c’est l'accord de Cotonou qui reste en vigueur. 

La prolongation des délais ne change rien sur les sanctions en cours

L'Union Européenne et l'Organisation des Etats d'Afrique, des CaraÏbes et du Pacifique ont récemment décidé de prolonger la durée de vie de l'accord de Cotonou jusqu'au 30 juin 2022.#Burundi

Les sanctions économiques liées à l'article 96 imposées au Burundi par l’Union Européenne sont maintenues pour une durée indéterminée mais elles sont également susceptibles d’être levées à tout moment en partie ou en totalité. Ce mercredi, l’Union Européenne a d’ailleurs précisé que le dialogue avec le gouvernement burundais était toujours en cours. 

La décision, qui met en place les sanctions économiques à l’égard du Burundi, est "réexaminée régulièrement au moins tous les six mois, de préférence sur la base de missions de suivi du Service européen pour l'action extérieure, associant les services de la Commission". L'Union européenne se réserve également "le droit de modifier ces mesures en fonction de l'évolution de la situation politique et de la mise en œuvre des engagements". 

Rappel de quelques engagements

Dans la décision du 14 mars 2016, l’Union Européenne a exigé un accord politique sur un plan de sortie de crise surtout à travers la participation, en concertation avec la Communauté est-africaine et l'Union africaine, ou une autre médiation internationale, à un dialogue qui permet le retour aux principes démocratiques. Ce dialogue, qui avait mal démarré, s’était clôturé en queue de poisson. 

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L'Union Européenne a également exigé le désarmement des milices et d'autres groupes armés avec l'appui d'observateurs internationaux conformément à la décision de l'Union Africaine du 13 juin 2015. Seules la police nationale et les forces de défense doivent assurer des missions de maintien de l'ordre public dans le respect de l'État de droit, ont exigé les Européens. Mais les armes circulent encore au sein de la population civile au Burundi, surtout au sein des imbonerakure et certains groupes armés sont devenus beaucoup plus actifs sur le territoire national.

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L'autre exigence importante de l'Union Européenne c'est la réouverture des médias privés et règlement des différends les concernant en application de la loi sur la presse. Les indicateurs évoqués par les 27 c'est notamment le fait que les radios et télévisions indépendantes émettent sur l'ensemble du territoire, la liberté d'exercice de la profession de journaliste en toute sécurité, les actions concrètes pour combattre l'intimidation à l'égard des journalistes, les actes d'instruction relatifs aux poursuites des auteurs de violences contre les journalistes, et le fait que la situation des journalistes soit traitée conformément à loi sur la presse et dans le respect de la liberté d'expression. Sur ce point, certains médias comme Isanganiro et Bonesha émettent de nouveau mais RPA et Renaissance ont été écartés.

Reportage à voir Liberté de la presse une année plus tard 

La liberté et sécurité de la société civile et des défenseurs des droits de l'homme figure aussi parmi les conditions exigées par l'Union Européenne pour lever les sanctions. Sur ce point, les Européens ont exigé surtout l'annulation de l'ordonnance du 23 novembre 2015 de suspension des activités de certaines organisations de la société civile et l'arrêt des intimidations contre les défenseurs des droits de l'homme. La PARCEM, qui était parmi une dizaine d'organisations concernées par l'ordonnance ministérielle, a vu ses suspensions levées à deux reprises. Cinq parmi les organisations de la société civile concernées ont même été radiées d'une manière définitive par le ministre de l'intérieur. L'appel contre le procureur général de la République fait par ces 5 organisations, le FORSC, le FOCODE, l'ACAT-Burundi, l'APRODH et le RCP, a été rejeté par la Cour de Justice de la Communauté Est-Africaine d'Arusha le 19 novembre dernier. 

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Parmi les conditions exigées par l'Union Européenne pour lever les sanctions à l'encontre du gouvernement du Burundi, figurent également la production des actes juridiques attestant de la remise en liberté et de la levée des mandats d'arrêts à l'encontre des prisonniers liés aux manifestations et aux incidents sécuritaires qui s'en sont suivis, le cas échéant, des manifestants qui n'ont pas commis d'actes de violence, la comparution devant un magistrat de tous les manifestants restant poursuivis, dans les délais légaux et dans le respect des lois burundaises, y compris les normes internationales ratifiées par le Burundi en matière de droit à un procès équitable. En tentant de satisfaire à une partie de ces conditions exigées par l'Union Européenne dans le secteur de la justice, le président Evariste Ndayishimiye a décrété une grâce pour plus de 5000 prisonniers.

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Dans le même cadre des actes juridiques, l'Union Européenne exige la publication de rapports d'enquêtes crédibles menées avec la participation d'experts internationaux sur tous les cas allégués de tortures, de violences sexuelles, de disparitions et d'exécutions extrajudiciaires, et adoption des mesures à l'encontre des personnes responsables de tels actes ainsi que la mise en oeuvre du plan de sortie de crise selon le calendrier agréé.