|
Albert Shingiro, ministre burundais des affaires étrangères (à gauche) & Claude Bochu, ambassadeur de l'Union Européenne au Burundi (à droite) lors du dialogue Burundi-UE en février 2021 |
Ce n'est pas facile de parier sur la date
exacte d’expiration de l’accord de Cotonou après cette troisième prolongation
des délais. L’Union Européenne (UE) et l’Organisation des
Etats d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (OEACP) accordent encore sept
mois au maximum à cet accord qui a suspendu, au cours des cinq dernières
années, une grande partie des 432 millions d’Euros du 11ème Fonds Européen
de Développement destinés au Burundi.
C’est
ce vendredi 26 novembre 2021 que l’échéance de l’expiration de l’accord de
Cotonou, qui était programmée pour le 30 novembre 2021, a été repoussée pour la troisième fois jusqu'au 30 juin 2022 par le comité des
ambassadeurs ACP-UE, l’organe actuellement habilité à arrêter des mesures
transitoires. Selon la décision, l’application de l’accord de Cotonou prendra fin
avec l’entrée en vigueur d’un nouvel accord ou par l’application provisoire du
nouvel accord entre l’Union Européenne et les Etats ACP. En attendant que le nouvel accord dit post-Cotonou, qui
a déjà été paraphé par les négociateurs en chef en mi-avril 2021, soit signé
par les deux parties, c’est l'accord de Cotonou qui reste en vigueur.
La
prolongation des délais ne change rien sur les sanctions en cours
L'Union Européenne et l'Organisation des Etats d'Afrique, des CaraÏbes et du Pacifique ont récemment décidé de prolonger la durée de vie de l'accord de Cotonou jusqu'au 30 juin 2022.#Burundi
Les
sanctions économiques liées à l'article 96 imposées
au Burundi par l’Union Européenne sont maintenues pour une durée indéterminée
mais elles sont également susceptibles d’être levées à tout moment en partie ou
en totalité. Ce mercredi, l’Union Européenne a d’ailleurs précisé que le
dialogue avec le gouvernement burundais était toujours en cours.
La décision, qui met en place les sanctions économiques à l’égard du Burundi, est "réexaminée
régulièrement au moins tous les six mois, de préférence sur la base de missions
de suivi du Service européen pour l'action extérieure, associant les services
de la Commission". L'Union européenne se réserve également "le
droit de modifier ces mesures en fonction de l'évolution de la situation
politique et de la mise en œuvre des engagements".
Rappel de quelques engagements
Dans la décision du 14 mars 2016, l’Union
Européenne a exigé un accord politique sur un plan de sortie de crise surtout à
travers la participation, en concertation avec la Communauté est-africaine et
l'Union africaine, ou une autre médiation internationale, à un dialogue qui
permet le retour aux principes démocratiques. Ce dialogue, qui avait mal démarré, s’était clôturé en queue de poisson.
A lire aussi Le dialogue inter-burundais: les grands absents d'une bataille disproportionnée
L'Union Européenne a également exigé le désarmement des milices et d'autres groupes armés avec l'appui d'observateurs
internationaux conformément à la décision de l'Union Africaine du 13 juin 2015. Seules la police nationale et les forces de
défense doivent assurer des missions de maintien de l'ordre public
dans le respect de l'État de droit, ont exigé les Européens. Mais les armes circulent encore au sein de la population civile au Burundi, surtout au sein des imbonerakure et certains groupes armés sont devenus beaucoup plus actifs sur le territoire national.
A lire aussi RED-Tabara revendique l'attaque de l'aéroport de Bujumbura
L'autre exigence importante de l'Union Européenne c'est la réouverture des médias privés et règlement des différends les concernant en application de la loi sur la presse. Les indicateurs évoqués par les 27 c'est notamment le fait que les radios et télévisions indépendantes émettent sur
l'ensemble du territoire, la liberté d'exercice de la profession de journaliste en
toute sécurité, les actions concrètes pour combattre l'intimidation à
l'égard des journalistes, les actes d'instruction relatifs aux poursuites des auteurs de violences contre les journalistes, et le fait que la situation des
journalistes soit traitée conformément à loi sur la presse et dans le respect de la liberté d'expression. Sur ce point, certains médias comme Isanganiro et Bonesha émettent de nouveau mais RPA et Renaissance ont été écartés.
Reportage à voir Liberté de la presse une année plus tard
La liberté et sécurité de la société civile et des défenseurs
des droits de l'homme figure aussi parmi les conditions exigées par l'Union Européenne pour lever les sanctions. Sur ce point, les Européens ont exigé surtout l'annulation de
l'ordonnance du 23 novembre 2015 de suspension des activités de certaines organisations de la société civile et l'arrêt des intimidations contre les défenseurs
des droits de l'homme. La PARCEM, qui était parmi une dizaine d'organisations concernées par l'ordonnance ministérielle, a vu ses suspensions levées à deux reprises. Cinq parmi les organisations de la société civile concernées ont même été radiées d'une manière définitive par le ministre de l'intérieur. L'appel contre le procureur général de la République fait par ces 5 organisations, le FORSC, le FOCODE, l'ACAT-Burundi, l'APRODH et le RCP, a été rejeté par la Cour de Justice de la Communauté Est-Africaine d'Arusha le 19 novembre dernier.
A lire aussi Dossier des radiations : 5 organisations contre le gouvernement du Burundi à Arusha
A lire aussi Retour de la vraie PARCEM ou "Mchezo wa ndani" ?
Parmi les conditions exigées par l'Union Européenne pour lever les sanctions à l'encontre du gouvernement du Burundi, figurent également la production des actes juridiques attestant de la remise
en liberté et de la levée des mandats d'arrêts à l'encontre des prisonniers liés aux manifestations et aux incidents sécuritaires qui s'en sont suivis, le cas échéant, des manifestants qui n'ont pas commis
d'actes de violence, la comparution devant un magistrat de
tous les manifestants restant poursuivis, dans les délais légaux et dans le respect des lois burundaises, y compris les
normes internationales ratifiées par le Burundi en matière
de droit à un procès équitable. En tentant de satisfaire à une partie de ces conditions exigées par l'Union Européenne dans le secteur de la justice, le président Evariste Ndayishimiye a décrété une grâce pour plus de 5000 prisonniers.
A voir aussi Grâce présidentielle : Où en est-on ?
Dans le même cadre des actes juridiques, l'Union Européenne exige la publication de rapports d'enquêtes crédibles menées
avec la participation d'experts internationaux sur tous les
cas allégués de tortures, de violences sexuelles, de disparitions et d'exécutions extrajudiciaires, et adoption des mesures à l'encontre des personnes responsables de tels actes ainsi que la mise en oeuvre du plan de sortie de crise selon le calendrier
agréé.