mercredi 29 décembre 2021

Burundi-ONU : Le régime a 3 mois pour s’expliquer sur la torture de Roger Muhizi

Il est parmi les militants du Mouvement pour la Solidarité et la Démocratie (MSD) qui ont extrêmement souffert en détention à Bujumbura. Blessé par balles lors de l’attaque de la permanence nationale de son parti par les forces de sécurité le 8 mars 2014, Roger Muhizi a été arrêté le lendemain pour ensuite passer des années "sans permission" de se faire soigner. Selon le Comité des Nations Unies Contre la Torture, le gouvernement du Burundi a violé plusieurs dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. (Le Mandat)

L’administration des coups de crosses de fusils et de matraques à Roger Muhizi déjà blessé par balles, le refus aux soins de santé pendant plusieurs heures, les insultes, les intimidations, ainsi que le refus d’octroi du dossier médical font partie des éléments constitutifs de torture au sens de l’article 1 de la Convention selon le Comité Contre la Torture qui ajoute que ces coups lui infligés par des agents étatiques ont occasionné, chez la victime, des douleurs et souffrances aiguës, y compris des souffrances morales et psychologiques.

"Article 1: 

1. Aux fins de la présente Convention, le terme "torture" désigne tout acte par lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont intentionnellement infligées à une personne aux fins notamment d'obtenir d'elle ou d'une tierce personne des renseignements ou des aveux, de la punir d'un acte qu'elle ou une tierce personne a commis ou est soupçonnée d'avoir commis, de l'intimider ou de faire pression sur elle ou d'intimider ou de faire pression sur une tierce personne, ou pour tout autre motif fondé sur une forme de discrimination quelle qu'elle soit, lorsqu'une telle douleur ou de telles souffrances sont infligées par un agent de la fonction publique ou toute autre personne agissant à titre officiel ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite. Ce terme ne s'étend pas à la douleur ou aux souffrances résultant uniquement de sanctions légitimes, inhérentes à ces sanctions ou occasionnées par elles.

2. Cet article est sans préjudice de tout instrument international ou de toute loi nationale qui contient ou peut contenir des dispositions de portée plus large."

Le Comité Contre la Torture indique aussi que l’Etat partie n’a pris aucune mesure pour protéger la victime et sanctionner ces actes de torture malgré les plaintes. Dans sa décision publiée le 21 décembre, le Comité conclut à une violation de l’alinéa 1 de l'article 2 de la Convention.

"Article 2: 

1. Tout Etat partie prend des mesures législatives, administratives, judiciaires et autres mesures efficaces pour empêcher que des actes de torture soient commis dans tout territoire sous sa juridiction.

2. Aucune circonstance exceptionnelle, quelle qu'elle soit, qu'il s'agisse de l'état de guerre ou de menace de guerre, d'instabilité politique intérieure ou de tout autre état d'exception, ne peut être invoquée pour justifier la torture.

3. L'ordre d'un supérieur ou d'une autorité publique ne peut être invoqué pour justifier la torture."

En plus de sa détention dans des conditions déplorables dans un état de santé critique, ce militant du MSD Roger Muhizi n’a eu droit à un avocat qu’un mois et demi après sa détention dans la prison centrale de Mpimba. Le Comité confirme la violation de l’article 11 de la Convention.

"Article 11: 

Tout Etat partie exerce une surveillance systématique sur les règles, instructions, méthodes et pratiques d'interrogatoire et sur les dispositions concernant la garde et le traitement des personnes arrêtées, détenues ou emprisonnées de quelque façon que ce soit sur tout territoire sous sa juridiction, en vue d'éviter tout cas de torture."

Les articles 12, 13, 14, et 16 de la Convention ont également été violés par les autorités burundaises selon le Comité Contre la Torture.

"Article 12: 

Tout Etat partie veille à ce que les autorités compétentes procèdent immédiatement à une enquête impartiale chaque fois qu'il y a des motifs raisonnables de croire qu'un acte de torture a été commis sur tout territoire sous sa juridiction."

"Article 13:

Tout Etat partie assure à toute personne qui prétend avoir été soumise à la torture sur tout territoire sous sa juridiction le droit de porter plainte devant les autorités compétentes dudit Etat qui procéderont immédiatement et impartialement à l'examen de sa cause. Des mesures seront prises pour assurer la protection du plaignant et des témoins contre tout mauvais traitement ou toute intimidation en raison de la plainte déposée ou de toute déposition faite." 

"Article 14:

1. Tout Etat partie garantit, dans son système juridique, à la victime d'un acte de torture, le droit d'obtenir réparation et d'être indemnisée équitablement et de manière adéquate, y compris les moyens nécessaires à sa réadaptation la plus complète possible. En cas de mort de la victime résultant d'un acte de torture, les ayants cause de celle-ci ont doit à indemnisation.

2. Le présent article n'exclut aucun droit à indemnisation qu'aurait la victime ou toute autre personne en vertu des lois nationales." 

"Article 16:

1. Tout Etat partie s'engage à interdire dans tout territoire sous sa juridiction d'autres actes constitutifs de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants qui ne sont pas des actes de torture telle qu'elle est définie à l'article premier lorsque de tels actes sont commis par un agent de la fonction publique ou toute autre personne agissant à titre officiel, ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite. En particulier, les obligations énoncées aux articles 10, 11, 12 et 13 sont applicables moyennant le remplacement de la mention de la torture par la mention d'autres formes de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

2. Les dispositions de la présente Convention sont sans préjudice des dispositions de tout autre instrument international ou de la loi nationale qui interdisent les peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ou qui ont trait à l'extradition ou à l'expulsion."

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Le Comité a invité le Burundi à soumettre ses observations sur la plainte de R.M à plusieurs reprises en 2017, 2019 et 2020 mais l'Etat partie n'a donné aucune suite à ces demandes d'information. Le Comité a alors constaté que le Burundi a également violé l’article 22 de la Convention à cause de ce manque de coopération. Le cas de R.M. est le dernier des 14 plaintes pour torture contre le Burundi qui ont été examinées par le Comité depuis 2014. Et selon le Comité, le Burundi avait violé ses obligations envers la Convention dans tous ces cas.

"Il s'agit d'une grave violation des obligations de l'Etat. Mais surtout, cela prive les victimes de torture de la possibilité d'obtenir réparation", a déclaré le Président du Comité Claude Heller à propos de ce cas de torture du partisan du MSD représenté par l'organisation Track Impunity Always (TRIAL).

Selon la décision, le Burundi a 90 jours pour informer le Comité contre la Torture de l'ONU des mesures qu’il aura prises pour donner suite aux observations de la décision en question.

Mais, en principe, cette décision du Comité contre la Torture de l'ONU n'a pas force obligatoire.

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lundi 27 décembre 2021

Massacres de décembre 2015 : Faut-il trop garder les yeux rivés sur la CPI?

 

Les 11 et 12 décembre 2015, certains habitants de Bujumbura ont vécu des journées et des nuits cauchemardesques. Des balles ont sifflé, certaines filles et femmes ont été violées, et les cadavres jonchaient certaines maisons et rues de la capitale. Mais, face au régime qui refuse de rendre justice, l’un des tous derniers recours des Burundais a été la Cour Pénale Internationale. Une cour de dernier recours qui, pourtant, en plus de ses nombreux défis, fonctionne au ralenti selon un analyste. (Le Mandat)

Le 7 décembre 2021, au cours du débat général de la 20ème assemblée des Etats Parties au Statut de Rome de la CPI, le président de la Coalition Burundaise pour la Cour Pénale Internationale semblait impatient de voir les auteurs des crimes répondre de leurs actesIl réclamait le lancement des mandats d’arrêt. "Les familles des victimes espèrent que l’enquête sera enfin bientôt clôturée afin de briser ce cycle d’impunité et rétablir les valeurs fondamentales et universelles partagées par l’humanité tout entière", a insisté maître Lambert Nigarura tout en signalant que les graves violations des droits de l’homme se poursuivent dans le pays même aujourd’hui. "L’espace politique reste verrouillé, les associations de la société civile indépendante ont été radiées, des radios indépendantes ont été détruites et incendiées et la liberté d’opinion n’existe plus au pays", a également déclaré le défenseur des droits de l’homme.

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Parmi les crimes qui restent impunis au Burundi figure le carnage du 11 décembre 2015. En évoquant ces massacres, la Cour Pénale Internationale parle de "l’une des opérations qui a fait plus de victimes depuis le 26 avril 2015 en réponse à l’attaque menée plus tôt le même jour contre quatre positions militaires dans Bujumbura et ses environs par des groupes d’hommes armés non identifiés". Ce jour-là, on a rapporté entre 150 et 200 morts selon la CPI qui évoque un bilan de plus de 1 200 morts pour la période allant d’avril 2015 à juin 2017.

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Au cours de la session du 7 décembre, les participants ont évoqué certains défis auxquels fait face la Cour, notamment les longues durées des examens préliminaires, le manque de budget suffisant et les problèmes de gouvernance.

Le Burundi n’est pas prioritaire

La Cour a d’autres priorités plus importantes que le dossier du Burundi, estime un analyste. "L’évolution de la situation du Burundi sur le plan politique ne permet pas non plus de lancer des mandats d’arrêt contre les hautes autorités", ajoute l’analyste qui évoque la mise en place de nouvelles institutions étatiques en juin 2020. Mais, selon l’analyste, les plaintes et les preuves devraient continuer à être déposées au sein des mécanismes judiciaires internationaux en espérant d’éventuelles poursuites peut-être dans les décennies à venir. "Il vaut mieux avoir une plainte déjà déposée quelque part que rien", conclut l’analyste.

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Depuis l'éclatement de la crise burundaise en 2015, certains Burundais soumettent leurs revendications par la voie politico-diplomatique. D'autres font recours à la justice internationale. Et les plus radicaux ont choisi la lutte armée.

Le 10 décembre dernier, au cours de la conférence de presse intitulée "Conférence de Presse : Justice pour les Victimes des territoires de Fizi, Mwenga et Uvira en RDC", maître Bernard Maingain a cité le cas du Burundi et a déclaré que "la CPI a ses dérives, ses problèmes, ses enjeux, ses problèmes de budget, ses rapports de force intérieurs.". Ce membre du collectif qui défend les victimes de la crise burundaise répondait à la question de savoir si les Banyamulenge ne pouvaient pas saisir rapidement la Cour Pénale Internationale sur les allégations de violations de leurs droits sans s'attarder sur les juridictions locales en République Démocratique du Congo. 



vendredi 24 décembre 2021

Adhésion à l’EAC : la RDC doit patienter encore un peu

Les Etats membres de l’EAC dont le Burundi soutiennent l’adhésion de la République Démocratique du Congo à cette communauté. Après l’évaluation de l’état d’avancement des procédures d’adhésion ce mercredi au cours du 18ème sommet extraordinaire des Chefs d’Etat, la RDC devrait devenir membre de cette communauté dès l’année prochaine.

"Le point clé de notre délibération d’aujourd’hui était d’évaluer l’état d’avancement de l’aspiration de nos frères et sœurs de la République Démocratique du Congo à nous rejoindre dans la Communauté Est-Africaine", a précisé le président kenyan Uhuru Kenyatta au cours du 18ème sommet extraordinaire des Chefs d’Etat, tenu virtuellement ce mercredi. Selon ce président en exercice du sommet des chefs d’Etat l’EAC, l’étape franchie sur cette question est non seulement un succès mais aussi une opportunité pour cette communauté.

Le sommet avait l’objectif d’entendre les positions des Etats membres après la présentation du rapport du conseil des ministres sur la mission de vérification de l’intégration de la RDC à l’East African Community.

Lorsqu’il a pris la parole, le président ougandais Yoweri Kaguta Museveni a indiqué qu’il était très content de voir qu’ils venaient d’approuver le processus d’adhésion de la République démocratique du Congo dans leur communauté. "Comme je l’ai dit dans la réunion à huis clos, le Congo fait partie de l’Afrique de l’Est historiquement, surtout la partie Est de la RDC. Ils parlent Swahili, il y a les mêmes tribus qu’ici. C’est le colonialisme qui a placé le Congo dans une autre région", a lancé le président ougandais.

De son côté, le président rwandais se dit impatient :"Le Rwanda salue l’étape franchie en ce qui concerne l’adhésion de la République Démocratique du Congo à la Communauté Est-Africaine. Nous attendons avec impatience la conclusion rapide des procédures d’adhésion restantes".

La présidente de la Tanzanie Samia Suluhu Hassan a également dit que son pays est favorable à l’adhésion de la RDC à l’East African Community. "Nous avons examiné le rapport de la mission de vérification sur l'état de préparation de la RDC à rejoindre la communauté et nous avons donné des directives qui accéléreront la finalisation du processus restant".

Le Sud-Soudan, représenté par son ministre des affaires de l’EAC Deng Alor Kuol, veut une rapide adhésion de la RDC tout comme le Burundi, représenté par le vice-président de la République Prosper Bazombanza. "Le Burundi a pris bonne note de la conclusion et de l'observation de l'équipe de vérification de la demande d'intégration de la RDC à l'EAC et plaide pour son adhésion dans la communauté".

Au cours de ce 18ème sommet extraordinaire des Chefs d’Etats, le secrétaire général de la Communauté Est-Africaine Peter Mathuki a précisé qu’ils ont accompli 70% des activités prévues pour l’adhésion de la RDC à l’EAC. "Concernant la vérification de l'adhésion de la RDC, suite à vos directives et au soutien du conseil des ministres, j'ai le plaisir d'annoncer que vous avez entrepris 7 des 10 étapes convenues et que maintenant nous avons progressé", a déclaré Peter Mathuki.

Les étapes restantes pour l’adhésion de la RDC ont été confiées par le sommet des Chefs d’Etat au conseil des ministres. Ce conseil est chargé de démarrer et de conclure rapidement les négociations avec la République Démocratique du Congo et de présenter le rapport au prochain sommet prévu l’année prochaine. C’est au cours de l’année 2022 donc que l’adhésion de la RDC à la Communauté Est-Africaine devrait avoir lieu. Les Etats membres de l’EAC estiment que l’adhésion attendue en 2022 de ce pays de plus de 100 millions d’habitants permettra à la Communauté de se développer davantage surtout sur le plan économique.

Source: RPA 



vendredi 17 décembre 2021

Le Royaume-Uni maintient les sanctions contre le Burundi.

Le Royaume-Uni vient de prolonger d’une année les sanctions contre le gouvernement du Burundi et ses hautes autorités. Ces sanctions, qui trouvent leur origine au sein de celles imposées par l’Union Européenne à l’égard de certaines hautes personnalités, excluent l’exigence au gouvernement du Burundi de négocier avec ses opposants politiques. (Le Mandat)

Ces sanctions, qui sont en vigueur depuis ce mardi, 14 décembre 2021, confèrent au secrétaire d'État du Royaume-Uni le pouvoir de désigner des Burundais qui sont ou ont été impliqués dans certaines activités. Les personnes désignées peuvent être exclues du Royaume-Uni et peuvent faire l'objet de sanctions financières, y compris le gel de leurs fonds et de leurs ressources économiques. Le Royaume-Uni explique que c’est pour encourager le gouvernement du Burundi à respecter les principes et institutions démocratiques, l'Etat de droit et la bonne gouvernance, s'abstenir de politiques ou d'activités qui répriment la société civile, se conformer au droit international des droits de l'homme et respecter les droits de l'homme, y compris en particulier, respecter le droit à la vie des personnes au Burundi, le droit des personnes à ne pas être soumises à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, dans le cadre du viol, d'autres formes de violence sexuelle et de violence sexiste ; le droit à la liberté et à la sécurité des personnes, y compris le droit de ne pas être arrêté arbitrairement, détenu ou victime de disparition forcée ; les droits des journalistes, défenseurs des droits humains et autres personnes au Burundi à la liberté d'expression et de réunion pacifique.

Les négociations avec les opposants politiques sont exclues

Ces sanctions remplacent celles qui étaient en vigueur depuis le 31 décembre 2020. Ces dernières exigeaient également du gouvernement du Burundi la participation de bonne foi aux négociations avec ses opposants politiques pour parvenir à une solution pacifique à la situation politique. Cette exigence a été supprimée dans les sanctions actuelles à la suite du changement de Président au Burundi après les élections de mai 2020. Le Royaume-Uni supprime également les critères de désignation des personnes associés à cet objectif.

Après son retrait de l’Union Européenne, le Royaume-Uni a abrogé le régime des sanctions imposées par l'Union Européenne au Burundi depuis 2015 pour mettre en place ses propres sanctions plus ou moins similaires. Lors du briefing de mercredi au Conseil de sécurité sur le Bureau régional des Nations Unies pour l'Afrique centrale, l’ambassadeur britannique James Roscoe a déclaré que son gouvernement salue les efforts déployés par le gouvernement du Burundi pour renouer avec la communauté internationale et faire preuve d'un plus grand engagement en faveur des droits de l'homme. "A cette fin, nous continuons d'exhorter le gouvernement du Burundi à collaborer avec les mécanismes de surveillance des droits de l'homme des Nations Unies, y compris le nouveau rapporteur spécial pour les droits de l'homme, et à veiller à ce que les besoins et les droits des réfugiés, des autres personnes déplacées et des communautés d'accueil soient reconnus.’’

Le Royaume-Uni, qui maintient les sanctions contre le Burundi, est constitué de l’Angleterre, l’Ecosse, le Pays de Galles et l’Irlande du Nord. 

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jeudi 2 décembre 2021

L’accord, qui sanctionne le Burundi, décroche encore "sept mois" de survie

Albert Shingiro, ministre burundais des affaires étrangères (à gauche) & 
Claude Bochu, ambassadeur de l'Union Européenne au Burundi (à droite) lors du dialogue Burundi-UE en février 2021
  

Ce n'est pas facile de parier sur la date exacte d’expiration de l’accord de Cotonou après cette troisième prolongation des délais. L’Union Européenne (UE) et l’Organisation des Etats d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (OEACP) accordent encore sept mois au maximum à cet accord qui a suspendu, au cours des cinq dernières années, une grande partie des 432 millions d’Euros du 11ème Fonds Européen de Développement destinés au Burundi.

C’est ce vendredi 26 novembre 2021 que l’échéance de l’expiration de l’accord de Cotonou, qui était programmée pour le 30 novembre 2021, a été repoussée pour la troisième fois jusqu'au 30 juin 2022 par le comité des ambassadeurs ACP-UE, l’organe actuellement habilité à arrêter des mesures transitoires. Selon la décision, l’application de l’accord de Cotonou prendra fin avec l’entrée en vigueur d’un nouvel accord ou par l’application provisoire du nouvel accord entre l’Union Européenne et les Etats ACP. En attendant que le nouvel accord dit post-Cotonouqui a déjà été paraphé par les négociateurs en chef en mi-avril 2021,  soit signé par les deux parties, c’est l'accord de Cotonou qui reste en vigueur. 

La prolongation des délais ne change rien sur les sanctions en cours

L'Union Européenne et l'Organisation des Etats d'Afrique, des CaraÏbes et du Pacifique ont récemment décidé de prolonger la durée de vie de l'accord de Cotonou jusqu'au 30 juin 2022.#Burundi

Les sanctions économiques liées à l'article 96 imposées au Burundi par l’Union Européenne sont maintenues pour une durée indéterminée mais elles sont également susceptibles d’être levées à tout moment en partie ou en totalité. Ce mercredi, l’Union Européenne a d’ailleurs précisé que le dialogue avec le gouvernement burundais était toujours en cours. 

La décision, qui met en place les sanctions économiques à l’égard du Burundi, est "réexaminée régulièrement au moins tous les six mois, de préférence sur la base de missions de suivi du Service européen pour l'action extérieure, associant les services de la Commission". L'Union européenne se réserve également "le droit de modifier ces mesures en fonction de l'évolution de la situation politique et de la mise en œuvre des engagements". 

Rappel de quelques engagements

Dans la décision du 14 mars 2016, l’Union Européenne a exigé un accord politique sur un plan de sortie de crise surtout à travers la participation, en concertation avec la Communauté est-africaine et l'Union africaine, ou une autre médiation internationale, à un dialogue qui permet le retour aux principes démocratiques. Ce dialogue, qui avait mal démarré, s’était clôturé en queue de poisson. 

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L'Union Européenne a également exigé le désarmement des milices et d'autres groupes armés avec l'appui d'observateurs internationaux conformément à la décision de l'Union Africaine du 13 juin 2015. Seules la police nationale et les forces de défense doivent assurer des missions de maintien de l'ordre public dans le respect de l'État de droit, ont exigé les Européens. Mais les armes circulent encore au sein de la population civile au Burundi, surtout au sein des imbonerakure et certains groupes armés sont devenus beaucoup plus actifs sur le territoire national.

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L'autre exigence importante de l'Union Européenne c'est la réouverture des médias privés et règlement des différends les concernant en application de la loi sur la presse. Les indicateurs évoqués par les 27 c'est notamment le fait que les radios et télévisions indépendantes émettent sur l'ensemble du territoire, la liberté d'exercice de la profession de journaliste en toute sécurité, les actions concrètes pour combattre l'intimidation à l'égard des journalistes, les actes d'instruction relatifs aux poursuites des auteurs de violences contre les journalistes, et le fait que la situation des journalistes soit traitée conformément à loi sur la presse et dans le respect de la liberté d'expression. Sur ce point, certains médias comme Isanganiro et Bonesha émettent de nouveau mais RPA et Renaissance ont été écartés.

Reportage à voir Liberté de la presse une année plus tard 

La liberté et sécurité de la société civile et des défenseurs des droits de l'homme figure aussi parmi les conditions exigées par l'Union Européenne pour lever les sanctions. Sur ce point, les Européens ont exigé surtout l'annulation de l'ordonnance du 23 novembre 2015 de suspension des activités de certaines organisations de la société civile et l'arrêt des intimidations contre les défenseurs des droits de l'homme. La PARCEM, qui était parmi une dizaine d'organisations concernées par l'ordonnance ministérielle, a vu ses suspensions levées à deux reprises. Cinq parmi les organisations de la société civile concernées ont même été radiées d'une manière définitive par le ministre de l'intérieur. L'appel contre le procureur général de la République fait par ces 5 organisations, le FORSC, le FOCODE, l'ACAT-Burundi, l'APRODH et le RCP, a été rejeté par la Cour de Justice de la Communauté Est-Africaine d'Arusha le 19 novembre dernier. 

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Parmi les conditions exigées par l'Union Européenne pour lever les sanctions à l'encontre du gouvernement du Burundi, figurent également la production des actes juridiques attestant de la remise en liberté et de la levée des mandats d'arrêts à l'encontre des prisonniers liés aux manifestations et aux incidents sécuritaires qui s'en sont suivis, le cas échéant, des manifestants qui n'ont pas commis d'actes de violence, la comparution devant un magistrat de tous les manifestants restant poursuivis, dans les délais légaux et dans le respect des lois burundaises, y compris les normes internationales ratifiées par le Burundi en matière de droit à un procès équitable. En tentant de satisfaire à une partie de ces conditions exigées par l'Union Européenne dans le secteur de la justice, le président Evariste Ndayishimiye a décrété une grâce pour plus de 5000 prisonniers.

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Dans le même cadre des actes juridiques, l'Union Européenne exige la publication de rapports d'enquêtes crédibles menées avec la participation d'experts internationaux sur tous les cas allégués de tortures, de violences sexuelles, de disparitions et d'exécutions extrajudiciaires, et adoption des mesures à l'encontre des personnes responsables de tels actes ainsi que la mise en oeuvre du plan de sortie de crise selon le calendrier agréé.

samedi 20 novembre 2021

L'Union Européenne renouvelle les sanctions contre le ministre Ndakugarika.

L'Union Européenne décide de reconduire les sanctions imposées à certaines hautes autorités burundaises depuis 2015. En plus de l'actuel ministre de l'intérieur, de la sécurité publique et du développement communautaire et le chargé des missions à la présidence de la République, un "putschiste de 2015" et un agent du SNR réapparaissent sur la nouvelle liste. (Le Mandat)

Les lobbyings de certaines organisations nationales et internationales n'ont finalement pas abouti à la levée des sanctions européennes à l'égard de l'actuel ministre de l'intérieur, de la sécurité publique et du développement communautaire. Le ministre Gervais Ndirakobuca alias Ndakugarika, le chargé de missions de la Présidence Godefroid Bizimana, l'agent de la documentation Joseph Niyonzima alias Kazungu et le "putschiste" Léonard Ngendakumana sont les 4 Burundais que l'Union Européenne reprend sur sa liste des personnes à sanctionner jusqu'au 31 octobre 2022. 

Dans une décision que le Conseil de l'Union Européenne signale avoir prise le 18 octobre dernier, Gervais Ndirakobuca alias Ndakugarika est accusé "d’avoir fait obstacle à la recherche d’une solution politique au Burundi en donnant des instructions qui ont entraîné un recours disproportionné à la force, des actes de violence, des actes de répression et des violations du droit international des droits de l’homme à l’encontre des manifestants dans le cadre des manifestations qui ont débuté le 26 avril 2015, à la suite de l’annonce de la candidature du président Nkurunziza à l’élection présidentielle, notamment les 26, 27 et 28 avril 2015 dans les quartiers de Nyakabiga et Musaga à Bujumbura". Il était, à l'époque, chef de cabinet à la Présidence chargé des questions liées à la police nationale.

Sur la liste, figure également le chargé de missions à la Présidence Godefroid Bizimana. L'ancien directeur général adjoint de la police est accusé par l'Union Européenne "d’avoir porté atteinte à la démocratie en prenant des décisions opérationnelles qui ont entraîné un recours disproportionné à la force et des actes de répression violente à l’égard des manifestations pacifiques qui ont commencé le 26 avril 2015 après l’annonce de la candidature du président Nkurunziza à l’élection présidentielle".

Ces deux hautes autorités figuraient aussi sur la liste des personnes sous sanctions dressée par l'Union Européenne en 2020. 

Un "putschiste" de 2015, Léonard Ngendakumana, qui avait figuré pour la dernière fois sur la liste de l'Union Européenne de 2015, réapparaît sur la nouvelle liste. Il est accusé par l'Union Européenne "d'avoir fait obstacle à la recherche d'une solution politique au Burundi en participant à la tentative de coup d'État du 13 mai 2015 en vue de renverser le gouvernement du Burundi". Selon l'Union Européenne, l'ancien chargé de missions de la Présidence est également responsable d'actes de violence et attaques à la grenade commis au Burundi, ainsi que d'incitations à la violence. Le général Léonard Ngendakumana a publiquement déclaré qu'il approuvait la violence en tant que moyen d'atteindre des objectifs politiques, signalent les 27.

Mathias Joseph Niyonzima alias Kazungu, lui, avait figuré pour la dernière fois sur la liste de 2018. L'agent du Service National de Renseignement est accusé par l'Union Européenne "d'avoir fait obstacle à la recherche d'une solution politique au Burundi en incitant à la violence et à des actes de répression pendant les manifestations qui ont commencé le 26 avril 2015 à la suite de l'annonce de la candidature du président Nkurunziza à l'élection présidentielle". Selon l'Union Européenne, Kazungu est également responsable "d'avoir aidé à former les milices paramilitaires Imbonerakure, à coordonner leur action et à les armer, y compris à l'extérieur du Burundi, ces milices étant responsables d'actes de violence, de répression et de graves atteintes aux droits de l'homme au Burundi".

Selon la décision, les sanctions contre ces quatre Burundais concernent le gel des avoirs conservés sur le territoire de l'Union Européenne et l'interdiction de circuler sur le même territoire des 27 sauf dérogations prévues par la même décision.  

vendredi 19 novembre 2021

Les Etats-Unis d'Amérique ouvrent leurs frontières et aux "loyalistes" et aux "rebelles" du Burundi

 

Les Etats-Unis d’Amérique ont décidé de lever les sanctions à l’égard de 11 Burundais ce lundi. Parmi eux, figurent les hautes autorités du pays et les opposants au régime CNDD-FDD. Comme le pays de l’oncle Sam considère qu’il y a une évolution positive, surtout sur le plan politique, tous ces Burundais sont désormais autorisés à franchir le territoire américain.

C’est l’interdiction de voyager aux Etats-Unis d’Amérique, depuis six ans, qui gênait particulièrement ces onze Burundais.

L’interdiction de commercer sur le territoire américain et le gel des avoirs, que prévoyaient aussi ces sanctions, affectaient peu ou pas le premier ministre Alain Guillaume Bunyoni, Gervais Ndirakobuca alias Ndakugarika, le chargé de missions à la présidence Godefroid Bizimana, l'agent du service national de renseignement Joseph Mathias Niyonzima alias Kazungu, le "putschiste de 2015" Godefroid Niyombare, l'autre "putschiste de 2015" Léonard Ngendakumana, et le président du MSD Alexis Sinduhije. Le huitième sur la liste, Cyrille Ndayirukiye, est déjà décédé.

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Les officiers de l'armée burundaise Marius Ngendabanka et Ignace Sibomana ainsi qu'Edouard Nshimirimana, leader des rebelles des Forces Populaires du Burundi (FPB), porté disparu, ont  également vu leurs sanctions levées par les Etats-Unis d'Amérique. 

Selon le président des Etats-Unis d’Amérique Joe Biden, "la situation du Burundi a considérablement changé avec les événements de l'année dernière, y compris le transfert de pouvoir à la suite des élections de 2020 qui a considérablement diminué la violence et la poursuite des réformes par le président Ndayishimiye dans plusieurs secteurs dont la lutte contre la traite des personnes, les réformes économiques et la lutte contre la corruption". Les Etats-Unis d'Amérique estiment, cependant, qu'une société civile solide est essentielle à la construction d'un avenir pacifique et inclusif au profit du peuple burundais. Ils promettent de soutenir les défenseurs des droits humains, les médias indépendants et d'autres groupes de la société civile qui promeuvent la transparence et la responsabilité des responsables de corruption, de violations des droits humains et d'abus. Les États-Unis continueront aussi de faire pression sur le gouvernement pour qu'il améliore la situation des droits de l'homme à travers, entre autres, la collaboration avec le nouveau rapporteur spécial des Nations Unie des droits de l'homme pour le Burundi signale le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken.

Ces sanctions, qui viennent d'être supprimées pour onze Burundais, avaient été prises progressivement depuis l'année 2015 par les Etats-Unis d'Amérique après le déclenchement de la crise liée au troisième mandat contesté du président Pierre Nkurunziza.

lundi 15 novembre 2021

Pourquoi le MSD et le PPD réclament le maintien des sanctions européennes?

Les deux partis politiques marchent ensemble depuis quelque temps. Dans leur correspondance récemment adressée à l'Union Européenne, le Mouvement pour la Solidarité et la Démocratie (MSD) et le Parti des Patriotes pour le Développement (PPD-Girijambo) réclament le maintien des sanctions économiques contre le Burundi. Ils sont convaincus que la rétention de l'aide européenne peut contribuer à faire fléchir le gouvernement du Burundi.

Le MSD et le PPD-Girijambo cite l'exemple de la suspension en 1995 de l'aide au développement par l'Union Européenne pour contraindre le président Pierre Buyoya à négocier la réouverture de l'espace politique et la remise sur les rails de la démocratie qui, selon eux, avait été tuée dans l'oeuf par l'assassinat du président Melchior Ndadaye. Selon ces deux partis politiques, le discours selon lequel les sanctions seraient inefficaces est une forfaiture politique. Ils rappellent qu'à l'époque les gouvernements allemand et belge ont également gelé leur aide bilatérale. Ils ont exigé des négociations entre le gouvernement burundais et son opposition politique ainsi que son opposition armée, ligne qu’ils ont défendue jusqu’à la tenue des élections en 2005, selon la correspondance signée par Léonidas Hatungimana et Alexis Sinduhije

En plus de cela, le MSD et le PPD-Girijambo indiquent qu'à la même époque, les gouvernements allemand et belge ont gelé leur aide bilatérale tout en préconisant l’arrêt par l’Union européenne de toute aide économique au Burundi. Ils ont exigé des négociations entre le gouvernement burundais et son opposition politique ainsi que son opposition armée, ligne qu’ils ont défendue jusqu’à la tenue des élections en 2005, ajoutent-ils.  

Ces deux partis estiment que le régime CNDD-FDD risque de "détourner les fonds issus d'une reprise de coopération pour entretenir les criminels et commettre l'irréparable". 

Les deux partis, dont les leaders sont en exil, expliquent également que l'insécurité au Burundi provoque l'insécurité au Sud-Kivu en République Démocratique du Congo.

Selon ces deux partis de l'opposition, si les négociations d’Arusha ont pu avoir lieu et aboutir, ce n’est pas nécessairement ou seulement parce que la région s’était engagée en premier ni parce que les rebelles du CNDD-FDD et du Palipehutu-FNL étaient très actifs sur le terrain, mais surtout parce que les sanctions économiques prises par l’Union européenne en collaboration avec les Etats-Unis ont forcé le gouvernement de Pierre Buyoya à négocier. 

Selon le MSD et le PPD-Girijambo, la négociation et la signature de l'accord d'Arusha ont montré l'efficacité des sanctions. Selon eux, toute tentative de reprise de coopération devrait être conditionnée par l'ouverture d'un dialogue politique au Burundi.

vendredi 12 novembre 2021

Burundi : Qu’est-ce que l’opposition vient d’écrire aux Européens?

 

Solliciter le maintien des sanctions contre le gouvernement du Burundi serait le but d’une correspondance que certains partis de l’opposition auraient adressée à l’Union Européenne très récemment. Selon nos sources, les 27 prévoient de faire une rencontre dans une semaine pour analyser, entre autres, les sanctions imposées au Burundi.

Une rencontre dans lequel feront partie uniquement les représentants des Etats membres de l’Union Européenne serait programmée pour le 18 novembre prochain selon nos sources. Cette réunion aurait l’objectif d’analyser certaines questions relatives à la coopération entre l’union européenne et d’autres pays. Nos sources pensent que le Burundi serait également au centre des débats. C’est en marge de cette rencontre jugée préparatoire que certains partis politiques de l’opposition burundaise auraient donc écrit à l’Union Européenne pour lui demander de maintenir les sanctions contre le gouvernement du Burundi.

Selon nos sources, ces partis sont convaincus que le maintien des sanctions européennes contraindra le régime CNDD-FDD à négocier avec son opposition pour "éviter la guerre civile". C’est le financement de l’union européenne que le régime pourrait se servir, comme d'habitude, pour continuer de mater ses opposants ou ceux qu'il considère comme tels, se seraient justifié ces partis politiques.

Il est prévu que l’accord de Cotonou, que le gouvernement du Burundi a violé selon l’Union Européenne, expire le 30 novembre prochain. L’Union Européenne et l’Organisation des Etats d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique ont paraphé un accord post-Cotonou le 15 avril dernier et c’est cet accord qui, après avoir été signé, liera ensuite tous ces pays. 

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dimanche 31 octobre 2021

Et si c’était la fin des sanctions européennes contre le ministre Ndakugarika?

 

Les sanctions de l’Union Européenne contre le ministre Gervais Ndirakobuca expirent dimanche. Cependant, selon nos sources, ces sanctions, imposées au ministre de l’intérieur du Burundi depuis 2015, risquent de disparaître d’une manière définitive.

Certaines organisations internationales et nationales sont à pied d’œuvre depuis quelques mois pour décrocher la levée des sanctions qui pèsent sur le ministre de l’intérieur, du développement communautaire et de la sécurité publique depuis le mois d’octobre 2015. Selon nos sources, les discussions auraient tourné en faveur du ministre Gervais Ndirakobuca qui est, d'ailleurs, très soutenu par le président de la République Evariste Ndayishimiye. 

Selon ces sources, il est fort probable que l’Union Européenne ne renouvelle pas les sanctions contre cette haute personnalité qui a été caractérisée par une certaine humilité envers différents partenaires du Burundi ces derniers mois. Au cours de la campagne séduction, Gervais Ndirakobuca a gagné la sympathie des organisations internationales et des diplomates qui le présentent comme un ministre pragmatique si on ignore son passé, insistent nos sources. 

"Il écarte les policiers et agents du SNR cités dans les crimes"

Selon un haut responsable d'une organisation internationale qui appuie les médias au Burundi, le ministre Gervais Ndirakobuca soutient le désarmement des jeunes armés y compris les Imbonerakure. Cette personnalité indique que "certains policiers, cités dans les crimes, ont été sanctionnés comme le Commissaire Prosper Manirampa, auteur de la disparition du journaliste du groupe de presse Iwacu Jean Bigirimana, qui a été révoqué de la police". "Autre chose. Son ministère reste notre partenaire privilégié avec lequel il faut tout faire pour renouer les bonnes relations et la confiance", insiste cette personnalité.

Nos sources affirment que, justement, les mesures prises ces derniers mois par le ministre Gervais Ndirakobuca ont l’objectif de convaincre la communauté internationale qu'il fait un effort pour redresser la situation dans le pays à travers son vaste ministère.

C'est pour cela que ce ministre, qui écoute beaucoup ses conseillers, a multiplié des ‘’actions de bonne volonté’’ pour montrer qu'il essaie de limiter certains crimes, dont des assassinats et des disparitions forcées, qui sont signalés en permanence sur le territoire burundais.

Identification des pistolets et instructions

"J’ai l’honneur de vous demander d’instruire les Commissaires Provinciaux pour faire un rapport détaillé et actualisé de toutes les armes remises ou saisies et de les rassembler au niveau central pour une meilleure gestion afin d’éviter que ces armes soient réutilisées dans des actes qui portent atteinte à la sécurité et l’ordre public.", ordonnait l’Inspecteur Général de la Police Nationale à tous les Commissaires Régionaux le 6 octobre dernier.

Deux mois plus tôt, le même inspecteur de la police, Melchiade Ruceke, prônait la limitation des cas de criminalité commise par les policiers dans une correspondance adressée au Commissaires Généraux, aux Chefs de Bureau et aux Commissaires Régionaux. "Suite aux cas de criminalité impliquant nos policiers qui s’observent dans ces derniers temps, il vous est demandé de faire une identification des pistolets détenus par les brigadiers et agents dans votre secteur de responsabilité, d’en faire un contrôle régulier et de récupérer ceux qui ne sont plus nécessaires à être en mains de ces derniers selon le cas. Les pistolets récupérés devront être acheminés au Bureau Logistique avec mention du détenteur et de son unité."

Toutes ces mesures prises au sein de son ministère pourraient libérer Gervais Ndirakobuca des sanctions européennes selon nos sources qui signalent qu'après cela, certains leaders des organisations non-gouvernementales et médias vont quitter l'exil.

Le rapatriement des hautes personnalités d’ici février

Les hauts responsables de certaines organisations de la société civile et des médias, en exil, principalement en provenance de l’Europe, rentreront au Burundi d’ici le mois de février 2022 si la levée des sanctions contre Gervais Ndirakobuca est effective selon nos sources. Ils pourront ensuite gérer leurs projets respectifs en collaboration avec le ministre de l’intérieur, du développement communautaire et de la sécurité publique.

Depuis le 2 octobre 2015, Gervais Ndirakobuca alias Ndakugarika ne peut pas franchir le territoire des 27 à cause des sanctions lui imposées. L'Union Européenne l'accuse d’être "responsable d’avoir fait obstacle à la recherche d’une solution politique au Burundi en donnant des instructions qui ont entraîné un recours disproportionné à la force, des actes de violence, des actes de répression et des violations du droit international des droits de l’homme à l’encontre des manifestants dans le cadre des manifestations qui ont débuté le 26 avril 2015, à la suite de l’annonce de la candidature du président Nkurunziza à l’élection présidentielle, notamment les 26, 27 et 28 avril 2015 dans les quartiers de Nyakabiga et Musaga à Bujumbura" lorsqu'il était chef de cabinet chargé des questions liées à la police nationale à la Présidence de la République. 

dimanche 17 octobre 2021

Prosper Ntahorwamiye : "Le couvre-feu évoqué par RED-Tabara n’est qu’une intimidation."

 

Prosper Ntahorwamiye, porte-parole du gouvernement du Burundi, le 8 octobre 2021

La sécurité est totale dans le pays mais il faut toujours être vigilant selon le porte-parole du gouvernement du Burundi. Au cours d’une conférence publique animée par les porte-paroles des différentes institutions, Prosper Ntahorwamiye a dit que le couvre-feu évoqué par le RED-Tabara vers la fin du mois de septembre n’est qu’une intimidation.

Le mouvement de la Résistance pour un Etat de Droit (RED-Tabara) a fait la déclaration en question le 25 septembre dernier. "RED-Tabara demande à nos concitoyens de ne pas emprunter les routes nationales après 18h pour ne pas se retrouver entre deux feux’’, indiquait ce communiqué du mouvement rebelle qui dressait un bilan des affrontements avec l’armée régulière dans la localité de Cogo située à Mugamba, l’une des communes de la province Bururi.

#Urgent - Communiqué sur les combats entre les résistants de @Red_Tabara et l’armée du @CnddFdd d’hier soir le 24/09/2021 à #Cogo commune #Mugamba, province #Bururi.#Burundi pic.twitter.com/vJHmJQDgHr

Répondant aux questions relatives à ces déclarations du mouvement RED-Tabara, Prosper Ntahorwamiye a dit que la plupart des participants à la conférence publique ont passé la nuit à Karuzi, une province du Centre-Ouest où a été organisée cette séance des questions et des réponses. "La plupart d’entre vous sont venus de Bujumbura et il y a ceux qui sont arrivés hier après 18 heures. Donc, la sécurité est totale dans le pays. Mais tout n’est pas rose parce qu’on n’est pas au paradis. Les malfaiteurs sont toujours là mais ils doivent être combattus", a déclaré le secrétaire général du gouvernement du Burundi. Prosper Ntahorwamiye estime toutefois que les déplacements nocturnes ne sont pas à encourager. "Mais, comme vous le savez, même en temps de paix, ce n’est pas bien de circuler pendant la nuit parce que la nuit c’est la nuit. Un pneu de ton véhicule peut éclater et te causer des ennuis. Tu peux croiser des voleurs". Selon le porte-parole du gouvernement, les déclarations du mouvement RED-Tabara ne sont que des intimidations.

Le RED-Tabara a été qualifié de groupe terroriste par Ndayishimiye 

Au cours de la 76ème session de l’assemblée générale de l’ONU, le président de la République du Burundi a appelé la communauté internationale à l’aider à combattre le mouvement RED-Tabara. Evariste Ndayishimiye s’est dit "préoccupé par la prolifération du terrorisme dans la sous-région dont les responsables sont l’ADF et le RED-Tabara". Dans son discours, le chef de l’Etat burundais estime que pour combattre ces rebelles, il faut une stratégie commune, adéquate et efficaceLa participation du président Evariste Ndayishimiye à cette réunion des Nations Unies a été précédée par des lancements d’obus sur l’aéroport international Melchior Ndadaye.

C’est le RED-Tabara qui a attaqué l’aéroport

Le mouvement rebelle a revendiqué les tirs d’obus du 18 septembre qui ont atteint l’aéroport de Bujumbura la veille du départ du président Evariste Ndayishimiye à New York.

Selon la Radio Publique Africaine, au total, 5 obus ont atteint la cible sans faire de dégâts. Ce mouvement a visé l'aéroport de Bujumbura par des tirs d'obus plus d'un mois après l'extradition de ses 19 combattants au Burundi. 

Les 19 combattants ont été extradés via le MCVE

Sous la supervision du MCVE, le Mécanisme Conjoint de Vérification Elargi de la CIRGL, le Rwanda a extradé les 19 combattants du mouvement RED-Tabara au Burundi le 30 juillet 2021. Ces 19 rebelles burundais avaient été arrêtés le 29 septembre 2020 sur la frontière burundo-rwandaise, côté rwandais, selon l'armée rwandaise. Avant leur arrestation, des combats entre ce mouvement et les forces régulières burundaises étaient signalés depuis plusieurs jours dans plusieurs provinces sur le territoire burundais.

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                         Que cherche l'armée burundaise au Congo ?


jeudi 14 octobre 2021

Burundi-ONU : Un rapporteur spécial à la place d’une commission d’enquêteurs

 

C’est finalement à un rapporteur spécial que les Nations Unies ont décidé de confier la situation des droits de l’homme au Burundi. Par 21 voix pour, 15 voix contre, et 11 abstentions, le Conseil des droits de l’homme de l’ONU a décidé, vendredi, la nomination d’un rapporteur spécial pour surveiller la situation des droits de l’homme dans le pays. Mais la nomination de cette personnalité, jugée moins efficace qu’une commission, n’interviendra que dans environ 5 mois.

Le rapporteur spécial sera nommé au cours de la 49ème session du conseil des droits de l’homme prévu durant les mois de février et mars 2022. Après sa nomination, le rapporteur spécial sera chargé de "surveiller la situation des droits de l’homme au Burundi et de faire des recommandations en vue de l’améliorer, de recueillir, d’examiner et d’évaluer les informations fournies par toutes les parties prenantes en faisant fond sur le travail de la Commission d’enquête, de conseiller le Gouvernement burundais pour qu’il s’acquitte des obligations en matière de droits de l’homme mises à sa charge par les traités internationaux et d’offrir conseils et assistance à la société civile et la Commission nationale indépendante des droits de l’homme, qu’il aidera à s’acquitter de son mandat indépendant de promotion et de protection des droits de l’homme et à faire mieux connaître les questions relatives aux droits de l’homme".

Qui va assurer la transition?

Au point 23 de la résolution A/HRC/48/L.19/Rev.1, le Conseil prie le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme de veiller à maintenir un suivi de la situation en attendant la nomination du rapporteur spécial ou de la rapporteuse spéciale et de fournir au ou à la titulaire du mandat toute l’assistance et les ressources nécessaires aux fins de l’exécution de son mandat.

Selon un expert onusien, il est prévu qu’il y aura 2 postes temporaires qui vont être rapidement créés pour assurer la transition. C’est pour éviter un « protection gap » avant la nomination du rapporteur spécial en mars prochain selon l’expert.

Les Burundais sont-ils livrés à eux-mêmes? 

Certains défenseurs des droits de l’homme estiment que c’est l’abandon progressif du suivi de la situation des droits de l’homme dans le pays par la communauté internationale. Ils sont également convaincus que le gouvernement du Burundi offrira un visa d’entrée sur son territoire au rapporteur spécial sans aucune résistance parce qu’en réalité il ne sera qu’un "lanceur d’alerte" de marge de manœuvre très limitée.

De son côté, l’organisation Defend Defenders évoque "un nouveau chapitre et pas une page blanche". "Par son travail au cours des cinq dernières années, la Commission d’Enquête sur le Burundi a placé haut la barre pour les mécanismes d’enquête indépendants", a dit Hassan Shire, directeur exécutif de Defend Defenders. "Le Conseil des droits de l’homme a décidé de changer son approche, mais de maintenir une focale sur le Burundi. Comme les preuves rassemblées et les recommandations formulées par la Commission d’Enquête resteront, il s’agit d’un nouveau chapitre, pas d’une page blanche".

Le gouvernement du Burundi a réussi à décrocher le non-renouvellement du mandat de la commission d’enquête mais il n’est pas tout à fait satisfait parce qu’il veut la disparition totale des mécanismes onusiens des droits de l’homme qui gardent un œil sur le Burundi. Au cours de la 76ème session de l’assemblée générale des Nations Unies, le président de la République du Burundi Evariste Ndayishimiye a déclaré que toute tendance à coller au pays des mécanismes spéciaux en matière des droits de l'homme est contre-productive. 

Le rapporteur spécial, dont la nomination effective est attendue en mars prochain, prendra ainsi la place de la Commission d'Enquête sur le Burundi dont le mandat a été renouvelé à quatre reprises depuis sa création en septembre 2016. Dans son dernier rapport, la Commission a signalé qu’elle continuait d’avoir des motifs raisonnables de croire que des crimes contre l’humanité, tels que définis par le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, ont été commis au Burundi dans la continuité de ceux commis dans le contexte électoral.

samedi 18 septembre 2021

Après la triche, le fils de l’ancien ministre de l’éducation avance de classe

 

Comme tous les autres élèves ayant obtenu la note minimale exigée au concours national de la neuvième année, le fils de Professeur Gaspard Banyankimbona entame la première année du post-fondamental au Lycée SOS. La tricherie de Don Davy n’a finalement pas été prise en compte même si l’événement suscite encore la confusion au sein du parti au pouvoir quelques mois plus tard.

C’est ce lundi, 13 septembre 2021, que l’année-scolaire 2021-2022 a démarré sur tout le territoire du Burundi. Mais il a fallu, selon nos sources, l’intervention de hauts cadres du parti CNDD-FDD en mairie de Bujumbura pour casser d’une manière définitive l’attitude des autorités et de certains enseignants du Lycée SOS qui voulaient que le règlement s’applique de la même façon pour tout le monde. Malgré le communiqué controversé du ministère de l’éducation nationale et de la recherche scientifique réagissant à notre précédent article sur le dossier, la gestion des actes de tricherie du 26 mai dernier au concours national a mis une tache de plus sur le système de gouvernance dans le secteur éducatif burundais, déplorent nos sources.

Don Davy Ingabire a eu plus de 70%

A la fin de l’année-scolaire 2020-2021, le fils de l’ancien ministre de l’éducation nationale et de la recherche scientifique, Don Davy Ingabire totalise 73,47%. Il passe à la classe suivante, la première année du cycle post-fondamental, au même établissement, le Lycée SOS de Bujumbura. Mais ses pairs n’ont pas eu la même faveur.

Le ministère de l’éducation les a chargés

Dans un communiqué du 28 mai 2021 qu’il a même lu au journal de la soirée sur la Radio-Télévision Nationale du Burundi, le porte-parole du ministère de l’éducation nationale et de la recherche scientifique a confirmé que deux élèves, qui passaient le concours national de la fin du cycle fondamental au Lycée SOS, ont été sanctionnés. Conformément au règlement régissant la passation du concours national de la 9ème année selon Liboire Bigirimana. Il a expliqué que ces deux élèves étaient assis côte à côte et qu’ils se murmuraient des réponses.

Pour Don Davy Ingabire, le ministère de l’éducation nationale et de la recherche scientifique a indiqué qu’il ne trichait pas "contrairement aux informations qui circulaient sur les réseaux sociaux". ‘’Le surveillant a voulu savoir pourquoi il y avait une rature sur sa feuille d’examen. C’est pour cela qu’il l’a fait sortir de la classe pour ne pas déranger les autres, et puis le surveillant a réellement constaté que l’enfant n’était pas entrain de tricher. Il l’a ensuite fait revenir en classe. L’enfant a poursuivi la passation du concours, et il a terminé en même temps que les autres’’. Selon toujours le même ministère, le fils de Gaspard Banyankimbona n’a pas été attrapé avec une grille de correction. Et il n’y a pas eu de policiers de l’API qui sont venus intervenir ce jour-là selon le communiqué.

Le directeur du Lycée SOS : ‘’Demandez aux surveillants !’’

Nos sources affirment que le directeur du lycée SOS soutenait quelques enseignants qui voulaient que le fils de l’ex-ministre de l’éducation nationale et de la recherche scientifique soit sanctionné pour la tricherie. C’était avant que certains hauts cadres du parti au pouvoir en mairie de Bujumbura ne s’interposent selon nos sources. Le directeur du lycée SOS nie. ‘’Ne tenez pas compte de ce que les gens disent de moi. Il faut plutôt rapporter ce que je vous dis de ma propre bouche’’. Le directeur du lycée SOS, Télésphore Barikore, explique qu’il n’est au courant de rien à propos de ce qui se serait passé le 26 mai dernier au centre de passation du lycée SOS. ‘’Il faut demander cela aux surveillants. C’est eux qui peuvent vous fournir une bonne information’’, insiste Télésphore Barikore qui signale qu’il ne pouvait pas participer dans la surveillance du concours national au lycée SOS ce jour-là parce qu’il a des enfants qui étaient parmi les candidats au même centre de passation. Sur la question de savoir si ces surveillants ne lui ont transmis aucun rapport après la passation du concours à cet établissement qu’il dirige, Télésphore Barikore répond que les surveillants envoyaient leurs rapports à ceux qui les avaient mandatés, le ministère de tutelle.   

Ce vendredi, nous avons parlé au porte-parole du ministère de l’éducation nationale et de la recherche scientifique Liboire Bigirimana. Il n’a pas été bavard.

Selon Liboire, nous visons un ancien ministre qui a eu une "promotion"

Selon le porte-parole du ministère de l’éducation nationale et de la recherche scientifique, nous visons un ancien ministre qui a eu une ‘’promotion’’. Après nous avoir dit que la tricherie évoquée n’en était pas une, Liboire Bigirimana nous a averti qu’il n’allait pas nous donner d’autres informations. ‘’Vous visiez un ex-ministre qui venait d’avoir quelque chose, vous n’étiez pas entrain de faire des choses professionnelles’’, a-t-il lancé.

Depuis le 13 avril dernier, le père de l'enfant favorisé, professeur Gaspard Banyankimbona, est le patron de l'une des institutions de la communauté est-africaine, l'Inter-University Council for East Africa.

Sur le même sujet 👉 Concours national : On ne touche pas à l'enfant d'un ex-ministre qui triche

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vendredi 10 septembre 2021

Burundi-RDC: Opérations militaires conjointes compliquées?

 


Le ministre burundais des affaires étrangères et de la coopération au développement a rappelé, dans une interview à la RFI, l'objectif visé lors des rencontres entre les hautes autorités de son pays et celles de la République Démocratique du Congo: "mettre hors d'état de nuire toutes les forces négatives qui pullulent dans la partie Est de la RDC, surtout le Sud-Kivu qui est frontalier avec le Burundi". 

Le déploiement d'une délégation de haut niveau en République Démocratique du Congo à partir du 30 août 2021 succédait à la visite, pour le même objectif, du chef de l'Etat burundais Evariste Ndayishimiye à son homologue congolais Félix Tschisekedi en juillet dernier.
  
Au cours de cette interview accordée à la RFI et publiée le 3 septembre, le lendemain de la clôture de la quatrième session de la grande commission burundo-congolaise, Albert Shingiro a qualifié ces rebelles visés de groupes résiduels sans agenda politique. "S'il faut organiser des patrouilles parallèles ou des opérations conjointes pour mettre hors d'état de nuire ces forces négatives dont les effets affectent négativement la vie de nos populations, nous le ferons de commun accord avec la partie de la RDC". 

Nous avons parlé au politologue Issa Ndimurwanko pour avoir plus d'éclaircissements sur les probabilités de réussite de ces conventions sécuritaires entre les deux pays. Issa Ndimurwanko a également été au maquis dans les rangs des PALIPEHUTU-FNL.

Selon vous, est-ce que les 2 chefs d'Etat ont la chance de réussir ce pari? 

Tout d’abord, la sécurité est l’absence de menace de la paix et de la sécurité interne et externe de l'État. Ce dernier est défini comme étant une seule entité souveraine qui dispose le monopole de la violence légitime, à travers ses fonctions régaliennes de sécurité notamment, l’armée et la police.

Revenons sur la question posée concernant l'entente conclue entre les chefs d’Etat burundais et congolais d’éradiquer des groupes rebelles burundais basés en République Démocratique du Congo. Ces éléments négatifs déstabilisent la paix et la sécurité de ces deux pays. Leur présence à l’Est de la RDC est le fruit de la politique d’exclusion pratiquée par le parti CNDD-FDD, au pouvoir. Depuis son ascension au pouvoir, il n’a pas voulu associer l’opposition à la gestion du pays. Il a plutôt emprunté la voie d'exclusion suivie par la disparition forcée de ses opposants, etc...

Pour les éradiquer, il faut tout d’abord une politique saine de gouvernance et de développement pour  tous : cela est la gage de la paix et de la sécurité. L’effritement de la sécurité du pays est dû au comportement de conquistador du CNDD-FDD et sa création de la milice Imbonerakure qui tue et terrorise tout opposant aux politiques de ce parti. La voie que les deux chefs d’Etat préconisent pour venir à bout à ces mouvements armés n’apportera pas de fruits escomptés.

Pour réussir ce pari, le pouvoir de Gitega a le devoir d’instaurer la politique d’égalité entre les citoyens et la sacralité de la propriété privée. Il faut tout d'abord créer un climat politique apaisé et ensuite envisager la politique de rapatriement volontaire des réfugiés. Les rangs de ces groupes armés se rétréciront comme la peau de chagrin. Au cas contraire, s’engager dans les opérations militaires conjointes ne garantit pas la paix et la sécurité du Burundi ni celle de la RDC. Par contre, la souveraineté du Congo voisin  risque d'être violée par une armée étrangère.

Rappelez-le que ces groupes rebelles tissent des liens d’amitié forts avec la population locale. La défaillance de l’Etat congolais est une pièce maîtresse au développement de groupes rebelles burundais sur son territoire. Toute opération ou intervention militaire étrangère peut être  vue par la population comme une agression violant leurs droits fondamentaux. Pour cela, cette intervention coalisée a moins de chances de réussir. Il serait sage pour les deux gouvernements d'assainir leurs politiques internes et vaquer au développement communautaire. Ce sont, en réalité, les premières opérations à envisager pour sécuriser leurs territoires et leurs frontières poreuses.

En conclusion le concept de sécurité est discutable dans les études des relations internationales car c’est un concept a plusieurs sens. La sécurité d’un État peut dépendre de la sécurité de ses voisins. C’est la raison pour laquelle des États mettent souvent ensemble leurs moyens pour garantir leurs sécurités. Pour sécuriser l’Est de la RDC, on a besoin d’efforts de trois États : le Burundi, le Rwanda et la RDC. L’absence d’un seul Etat à la quête de la sécurité d'un de ces pays pourrait vouloir dire la menace de celui qui est absent. Le projet sécuritaire initié par Félix Tschisekedi et Évariste Ndayishimiye ne réussira pas car il y a plusieurs facteurs endogènes qui doivent être analysés avant de se lancer dans les opérations militaires coûteuses en termes de coût humain et financier.

Vous avez évoqué le manque d'organisation interne pour les deux Etats: la RDC et le Burundi. Mais, en se référant sur l'histoire récente, il semblerait que les groupes rebelles burundais préfèrent s'installer en RDC. C'est ce qu'on a également constaté avec le CNDD-FDD, aujourd'hui au pouvoir, lorsqu'il combattait les régimes du Burundi. Etant ancien combattant des Forces Nationales de Libération (FNL), pouvez-vous nous donner d'autres raisons qui incitent les rebelles burundais à s'installer au Sud-Kivu?

En effet, le manque d'organisation interne des Etats est le premier facteur qui favorise l'émergence des mouvements de contestation. Ils s'organisent sur la cendre de l'absence de l'Etat. Cette absence est une opportunité en or pour des mouvements, qui en réalité, peuvent aisément s'installer, exploiter et étendre leur influence sur la population locale. Pour le cas de la RDC, c'est plus complexe, car souvent des éléments du gouvernement collaborent avec l'ennemi sans parler de la population qui intègre les rangs de celui-ci bien qu'il ne soit pas congolais.

D’autres facteurs qui charment des rebelles burundais à s’inoculer au Congo sont des éléments naturels. Le Sud-Kivu est riche en forêts, en montagnes et en richesses naturelles. Tous ces éléments séduisent des forces négatives burundaises au point où les conflits inter-burundais abrasent de facto ce grand pays. De plus, l'Est de la RDC est connu sur son abondance en source minérale et est un vaste territoire ayant des forêts et un climat tropical très doux. Les maquisards burundais utilisaient, à l’époque, l’Est de la RDC comme zone de transit des blessés.

Déloger un rebelle installé dans une forêt dont il contrôle des entrants et sortants n’est pas une mince affaire. Sachant que les antennes placées au sommet des montagnes leur donnent un avantage considérable sur leur ennemi. La richesse congolaise est un élément essentiel qui peut être analysée pour comprendre pourquoi les rebelles burundais préfèrent utiliser l'Est du Congo pour mener leurs attaques au Burundi? Plusieurs études qui se sont penchées sur l’instabilité de l’Est de la RDC ces vingt dernières années démontrent que les rebelles exploitent illégalement les ressources naturelles du pays. C’est dans cette optique que les forces négatives burundaises profitent de la faiblesse de l’Etat de Kinshasa pour s'installer à l'Est du Congo.

Si j'essaie de comprendre, les garanties financières comptent énormément pour ces groupes rebelles.

Oui, la réussite d'une organisation repose généralement sur sa capacité financière. Les causes que les mouvements rebelles défendent demandent une grande patience et résistance aux intempéries du temps. Le temps est le pire ennemi de l’homme et les rebelles sont conscients qu’ils ne peuvent être maîtres du temps sans la capacité financière. Pour satisfaire à ce besoin, ils ont choisi d'occuper le Congo [RDC]. Ce pays est devenu une vache à lait pour plusieurs acteurs militaires.

Evariste Ndayishimiye sait que la paix du Burundi est intimement liée avec la stabilité de son voisin. En d’autres  termes, l'opération conjointe est l'une des stratégies pour couper la source de financement de ces mouvements. De 1994 jusqu’à nos jours, l’Est du Congo [RDC] est devenu un terrain de combat interposant plusieurs armés. A cause de l’instabilité qui ne cessait de s’intensifier, plusieurs opérations conjointes ont été initiées pour déloger des mouvements opérant à partir du territoire congolais.  

La paix et la sécurité du Burundi dépendent de la stabilité du Congo [RDC]. L’effectivité du pouvoir central congolais sur l’ensemble de son territoire serait un élément essentiel à la stabilité ou à l’amélioration de celle de ses voisins, en particulier le Burundi. Ce dernier pourrait se réjouir de cet acquis mais il a une responsabilité de pratiquer une politique d’égalité entre ses citoyens. Même si l’Etat de Kinshasa parvenait à imposer son autorité, ce n’est pas automatique que le pouvoir de Gitega recouvre sa sécurité.

Lorsqu’un conflit armé éclate entre le gouvernement et ses opposants, les insurgés cherchent à tout prix  mettre les mains sur les zones riches en ressources naturelles. Le gouvernement doit tout faire pour garder jalousement la souveraineté de l'Etat. Sachant que l’Etat est le seul à disposer la monopole de la violence légitime. Si un élément interne conteste cette autorité suprême et que l'influence de l'Etat diminue, en ce moment, le pays entre dans une crise politique et les négociations s'imposent.

Revenons à nos  moutons. L'histoire récente nous montre comment les rebelles burundais se sont installés à l'Est du Congo [RDC] pour bien mener leurs incursions sur le Burundi. Le CNDD-FDD, actuellement au pouvoir, est l'un des mouvements burundais ayant utilisé l'Est du Congo [RDC] comme base arrière. Il a dû profiter de l'absence de l'Etat congolais et bénéficier de l'hospitalité de la population qui a, à un certain niveau, épousé sa cause. Ceux qui ont vécu dans les camps de réfugiés en Tanzanie peuvent se souvenir de comment les mobilisés étaient envoyés en RDC. Pourtant le champ d'honneur était au Burundi. Alors pourquoi devraient-ils passer par l'Est de la RDC?

La période de 1994 à 2005 est riche en histoire des mouvements armés burundais. Le début a été marqué par une réussite inestimable. Ce temps glorieux a été suivi par des échecs organisationnels marquant ainsi sa fin. Lorsque ces erreurs ont atteint leur paroxysme, on a changé de stratégies en concentrant les forces à l’Est du Congo [RDC] et dans la région Ouest du Burundi. C’était Bujumbura et les provinces environnantes qui étaient dans les lignes de mire car c’est une région riche en forêts naturelles. La capitale a connu une période d’insécurité sans précédent. Elle a encaissé tous les coups et les autorités ne pouvaient plus nier leur existence.

Ils ont asphyxié la capitale par des actes de sabotage. Des voies routières reliant la capitale Bujumbura étaient régulièrement prises en assaut. Les médias locaux comme RPA « ijwi ry’abanyagihugu » faisaient des reportages informant l’opinion nationale et internationale sur leur revendication. Pour les autorités d’alors, il était difficile de prendre la communauté internationale en otage. Par conséquent, une frange d’opinion proche du pouvoir était tannée du chaos qui régnait et demandait au gouvernement de tout faire pour mettre fin à cette situation insupportable.

Les rebelles voulaient que la communauté internationale considère leur voix dont les autorités de Bujumbura niaient sans cesse. La réalité en est que le pouvoir les connotait de "fauteurs de troubles". En effet, leurs actions ont suscité la curiosité des médias internationaux. De même, les partenaires politiques et économiques du pays cessaient de croire à la version officielle. En ce moment, on a constaté que les négociations seraient une condition sine qua non pour le retour de la paix et la sécurité au pays. Par cette logique, le CNDD-FDD est parvenu à arracher des autorités de Bujumbura la notoriété de la parole. La communauté internationale a accordé une voix aux rebelles et ils ont été considérés comme acteurs politiques à associer à la quête de la paix durable pour le Burundi.

La concentration de force sur un seul front de l’Ouest du pays entre dans les stratégies militaires. En 1998, les difficultés organisationnelles au sein de mouvements sont devenues de plus en plus inquiétantes dues aux dissensions et désertions. Pour faire face à ces défis, il fallait réorganiser les troupes et abandonner certains fronts afin de concentrer leurs forces sur un seul jugé essentiel. En ce moment précis de l’histoire de ces mouvements, les négociations battaient leur plein, donc aucun ne voulait perdre le contrôle du terrain. La guerre médiatique était disproportionnée à celle qu’on observait sur le champ de bataille.

Ceux qui ont suivi l'évolution de la guerre jusqu'à la fin des années 90 début 2000 peuvent constater que la nouvelle route de guerre était devenue le lac Tanganyika. Les combattants étaient transités par les eaux du lac malgré les risques élevés qu'ils encouraient. Les fronts du Nord et du Centre du pays avaient cessé d'exister à cause des difficultés de faire passer des combattants dans des zones contrôlées par les troupes gouvernementaux. De temps en temps avec l'appui de la population et de certains militaires pro-gouvernementaux, ils empruntaient le parc de la Ruvubu pour traverser la province de Karuzi et enfin joindre Gitega. Dans le Centre du pays, ils étaient accueillis par d'autres éléments bien équipés venus de la Kibira qui les conduisaient jusqu'à la destination finale.

Il me semble que vous vous focalisez plus sur le CNDD-FDD. Pouvez-vous nous parler des déplacements des ex-FNL de la RDC?

Le FNL ne faisait pas d’exception. Les mêmes mobiles qui ont poussé le CNDD-FDD à opérer à partir du Congo [RDC] sont aussi les mêmes pour les ex-FNL. La crise politique de 1993 a forcé une bonne partie de la population à quitter le pays pour se retrouver en RDC, en Tanzanie et ailleurs. Les deux pays sont tous voisins du Burundi et leurs géographies pourraient être exploitées par les mouvements rebelles burundais. Ils ont des forêts dont les rebelles peuvent se servir pour s'entraîner et s'abriter. Malheureusement, l’Etat tanzanien contrôle tout son territoire, aucune partie ne lui échappe. Sans son accord, il est pratiquement impossible d'utiliser son territoire. En respectant sa politique de bon voisinage, elle n’a permis à aucun mouvement rebelle burundais d’utiliser son territoire. Même si ces mouvements pouvaient tromper la vigilance des forces de l’ordre tanzanienne, ils ne l’ont pas fait pour éviter des conséquences politiques et militaires.  À ce que je sache toute tentative de vouloir utiliser les forêts tanzaniens occasionnaient des affrontements farouches. Aucun mouvement ne pourrait occuper le territoire tanzanien  ne fût-ce qu’une semaine parce que les services de renseignement, les forces de l’ordre et la population travaillent en parfaite harmonie. La présence de l'Etat tanzanien sur tout son territoire lui confère un statut d’un État fort et stable politiquement.

Les mouvements de va-et-vient des FNL entre le Burundi et le Congo [RDC] entrait dans la logique de celle des CNDD-FDD. Il utilisait le territoire congolais pour entraîner ses troupes ou s’y repliait. Mais également, il profitait de la faiblesse du gouvernement congolais pour exploiter ses richesses pour soutenir sa cause et enrichir les chefs. La province de Cibitoke étant frontalière avec le Congo [RDC] et ayant des liens familiaux avec l’Est facilitait la traversée des hommes appartenant aux FNL. Certains jeunes de Cibitoke pouvaient rejoindre les rangs sans aucune inquiétude car ils partaient comme marchands et les forces de l’ordre des deux pays étaient dans l’impossibilité de les démasquer.

Comme dit précédemment, les mouvements ont abandonné certains fronts, ce qui était le cas pour les FNL aussi. Le front du Nord avec la base arrière de Rumandari a été abandonné au profit de celui de l'Ouest du pays. Plusieurs tentatives ont connu de résistance de l'armée nationale que ce soit les attaques menées à partir de la province de Muyinga, de Cankuzo et de Ruyigi, toutes essuyaient des échecs cuisants. La perte du front du Nord pour les FNL est vue comme un échec total. Celle-ci les a affaiblis politiquement et militairement même si certains chefs ne pourront pas partager cet avis. Plusieurs membres du PALIPEHUTU et les combattants du FNL se sont enrôlés dans le mouvement CNDD-FDD à l'époque.

Tout compte fait, les deux mouvements majeurs armés burundais : CNDD-FDD et FNL ont opéré à partir du territoire congolais. Ce qui attirait ces mouvements à s’installer à l’Est de la RDC au lieu de la Tanzanie sont l'absence des fonctions régaliennes de sécurité capables d’assurer la paix et la sécurité du pays. L’absence d’une armée et d'une police digne de nom en République Démocratique du Congo a favorisé l'exploitation de la richesse du pays et l'occupation des forêts et des montagnes à leur guise. 

Voilà les raisons qui me semblent réelles et valables qui ont, en effet, été une opportunité en or pour l'utilisation du territoire congolais sans aucune crainte.

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